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Macky Sall sur RFI: «Un couvre-feu élargi, mais pas de confinement» au Sénégal

Dans une interview exclusive à RFI et France 24, ce 17 avril, le président sénégalais annonce que, face au coronavirus, le couvre-feu va sans doute être élargi, mais qu’il n’y aura pas de confinement général, du moins pour l’instant.

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D’abord la prévention. « Je pense qu’on pourra y arriver sans le confinement total », déclare le président Macky Sall, ce 17 avril, à RFI et France 24. Pour lutter contre le coronavirus, le chef de l’Etat sénégalais a déjà instauré un couvre-feu tous les jours de 20H à 6H. Au moment où on apprend le décès au Sénégal d’un troisième patient, Macky Sall précise : « Certainement, avec les nouveaux cas communautaires [dans les quartiers populaires de Dakar], nous allons réajuster les horaires du couvre-feu, démarrer dès 18H et finir vers 7H du matin. » Ensuite le traitement. Sur les médicaments contre le coronavirus, Macky Sall dit tout le bien qu’il pense de la chloroquine, prônée par le chercheur français Didier Raoult. « Cette molécule est appliquée dès l’apparition des premiers symptômes. On peut toujours parler des effets, mais pour le moment nous avons un taux de guérison remarquable. Depuis le 12 avril, le nombre de guéris dépasse le nombre de malades dans les hôpitaux. Pendant une crise, on peut se passer un peu de certains protocoles. Si l’on considère les bienfaits par rapport aux risques, la balance pèserait plutôt du côté des bienfaits [de la chloroquine]. » Sur le plan économique, le président sénégalais se réjouit de la décision du G20 de mettre en place un moratoire d’un an sur le remboursement de la dette des pays africains. Il remercie le président français Emmanuel Macron, « Sa Sainteté le pape François » et même le FMI et la Banque mondiale. « Cette fois-ci, ces deux institutions internationales ont été à la pointe du combat », souligne-t-il. Et Macky Sall d’ajouter : « Après le Covid, je suis convaincu qu’il faudra un nouvel ordre mondial, qui devra renforcer la résilience de tous les pays, car si demain cette maladie reste quelque part dans un village du Sénégal ou ailleurs, c’est toute la communauté mondiale qui sera menacée. » Au moment où le ministre sénégalais du Développement communautaire, Mansour Faye, par ailleurs beau-frère du chef de l’Etat, est soupçonné de favoriser un transporteur dans la distribution de l’aide alimentaire d’urgence, y a-t-il des risques de détournement de l’aide internationale ? En ces temps de combat pour la survie de tous, « il est dommage qu’on nous ramène au ras des pâquerettes et vers un débat de transport de vivres », déplore le chef de l’Etat sénégalais. Mais il ajoute aussitôt : « Je viens de créer un comité de pilotage, qui sera dirigé par une personnalité indépendante et composé de membres du Parlement, de toutes tendances, et de la société civile. » Enfin, sur le plan judiciaire, Macky Sall affirme que l’ex-président tchadien Hissène Habré, condamné à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité, n’est sorti de prison que pour le temps de la pandémie. « Oui, on l’a transféré [à son domicile]. Il est quand même d’un âge avancé et on a préféré ne pas courir le risque de le voir contracter le coronavirus en prison. Mais ce n’est pas un prétexte pour le libérer. C’est une mesure d’ordre humanitaire. » Retournera-t-il en prison après la pandémie ? « Naturellement, quand elle finira, il devra rejoindre sa cellule. » Interview exclusive du président de la République du Sénégal, Macky Sall RFI/F24 : Ce vendredi 17 avril, avec 342 cas confirmés de coronavirus, 198 guérisons et seulement 2 morts, le bilan officiel du Sénégal affiche un taux de guérison record en Afrique et un taux de mortalité exceptionnellement bas. Est-ce que ces chiffres sont-ils sous-estimés ? Existe-t-il une exception sénégalaise ou alors est-ce que la vague épidémique qu’on a vu déferler en Chine, en Europe et aux États-Unis va-t-elle arriver au Sénégal et en Afrique  Le président Macky Sall : Je vous remercie. D’abord je voudrais dire que ces chiffres ne sont pas sous-estimés. Au moment où nous parlons effectivement nous sommes à 342 personnes infectées. Au moment même où je vous parle on vient d’enregistrer le troisième décès. Donc, nous avons trois décès depuis tout à l’heure et plus de 198 personnes sont sorties de l’hôpital guéries. 142 personnes, enfin 141 précisément si on enlève le troisième décès, sont dans les établissements hospitaliers. C’est un chiffre assez positif si l’on considère le rythme de propagation de la maladie et surtout le taux de décès dans la plupart des pays. Je pense que cela est dû au fait qu’il y a une combinaison de facteurs. C’est d’abord dû à la prise en charge précoce dans le milieu hospitalier puisque nous avons un dispositif d’alerte et de coordination et d’identification des contacts et des malades et immédiatement tous les contacts sont mis en confinement total dans des établissements hôteliers et tous les malades sont tous à l’hôpital. Ils sont traités et bien entendu, le traitement à certainement un rôle à jouer dans ce taux. Nos praticiens, nos professionnels de la médecine ont décidé assez rapidement de mettre en place un certain nombre de protocole qui fait un débat ailleurs, en particulier l’utilisation de l’hydroxychloroquine qui est combinée à l’azithromycine. Je pense que cela a certainement aussi joué. En plus, nous avons une population relativement jeune et ça c’est le propre de l’Afrique. Peut-être qu’avec la jeunesse de la population, la précocité des mesures d’endiguement ainsi que la prise en charge précoce dans les établissements hospitaliers, tout cela combiné peut expliquer ces résultats.  Vous parlez de la chloroquine, c’est en effet un médicament qui fait polémique notamment en Europe et aux États-Unis. Elle est prônée par un chercheur français qui est né à Dakar et que tous les Sénégalais connaissent bien, c’est le professeur Didier Raoult. Certains l’accusent de manquer de rigueur scientifique mais vous, dans les hôpitaux sénégalais, dès qu’un patient est testé positif vous le mettez tout de suite sous chloroquine sauf contre-indications ?  Oui, d’abord il faut dire que l’utilisation de la chloroquine se fait en milieu médical, il ne s’agit pas d’automédication. Les professionnels ont décidé d’appliquer cette molécule dès l’apparition des premiers symptômes, avant bien sûr qu’on ne soit dans des cas critiques. Pour le moment, on a eu très peu de cas critiques. Aujourd’hui, on parle d’urgence sanitaire mondiale, il y a la pandémie qui fait des ravages. Je pense que pour les professionnels qui ont des malades entre les mains et qui doivent les soigner, alors que la chloroquine a eu des résultats importants, je pense que le débat peut certainement se poser, mais le plus important c’est de guérir les malades et si l’on considère les bienfaits de cette molécule par rapport aux risques, en tout cas en Afrique, la balance pèserait plutôt du côté des bienfaits. En Afrique, on connaît bien la chloroquine à travers sa version Nivaquine que nous avons tous consommée en quantité pendant notre jeunesse, dans les écoles. C’était des moyens de prophylaxie contre le paludisme. On peut toujours parler des effets, mais pour le moment nous avons un taux de guérison remarquable. La courbe du nombre de guéris a dépassé depuis le 12 juin le nombre de malades dans les hôpitaux. Cette courbe progresse et je pense qu’à terme, si nous arrivons à maîtriser le problème majeur que nous avons, la contamination communautaire, qui elle ne relie pas le malade a des cas connus... Aujourd’hui c’est ça le plus grand risque pour nous et nous allons prendre des nouvelles mesures pour contenir également cette propagation communautaire. Je dois saluer le travail du professionnel Didier Raoult, je suis d’autant plus heureux qu’il soit un natif de Dakar, donc du Sénégal, et je pense qu’il continue d’ailleurs de travailler avec nos scientifiques et nos médecins à travers ses laboratoires. Je pense que pendant une crise comme celle-là, on peut voir ce qui peut soigner les malades, après la polémique pourra se poursuivre. Naturellement, quand on est en urgence, on peut quand même se passer un peu de certains protocoles d’en période normale. Le résultat c’est qu’il y a quand même des malades guéris et en plus grand nombre et je crois que c’est ce qui compte le plus.  Le Sénégal a mis en place un programme de résilience économique et social d’un coût global de 1 000 milliards de Francs CFA (environ 2 milliards d’euros), il y a aussi des mesures sanitaires qui affectent la vie des Sénégalais tous les jours. Il y a un couvre-feu de de 20h jusqu’à 6h du matin mais il n’y a pas de confinement total pour le moment. Est-ce que vous pensez sérieusement à cette option de confinement total ou alors vous préférez l’alternative d’un dépistage massif pour éviter que la pandémie ne se répande ?  Le Sénégal a fait le choix, dès le départ, de prendre des mesures graduelles, de suivre l’évolution de la maladie et d’adapter ses réponses aux résultats obtenus. Ce qui fait que la première mesure a été la fermeture des établissements alors que nous étions à moins de 20 cas (suivis par) la fermeture des aéroports, des frontières terrestres, aériennes et maritimes. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous n’avons plus aucun cas importé. Ensuite, nous sommes passés à l’état d’urgence et au couvre-feu de 18h à 6h du matin. Certainement, avec les nouveaux cas communautaires, nous allons réajuster les horaires du couvre-feu et peut être remonter un peu plus, démarrer dès 18h et finir un peu plus tard, peut-être vers 7h du matin. Ensuite, la communication au niveau des communautés est très importante alors si tout cela ne suffit pas, en fonction de l’évolution, nous n’excluons pas d’aller vers des mesures plus fortes. Mais en attendant, j’avais souhaité d’abord confiner totalement tous les contacts et tous les malades sont confinés dès lors qu’ils sont en milieu hospitalier, plutôt que de confiner toute la population. Mais si demain on devait y arriver on le ferait. Tout dépendra de l’évolution de la maladie, mais considérant ce qui est en cours, je pense que nous pourrons y arriver sans le confinement total.  Vous menez une campagne très importante pour l’allègement, voire l’annulation de la dette africaine. Mercredi 15 avril, le G20 a décidé d’un moratoire sur une partie importante des quelques 44 milliards de dollars que l’Afrique aurait dû rembourser cette année. Concrètement, combien ce moratoire va-t-il dégager immédiatement dans le budget sénégalais pour lutter contre le coronavirus ? Et plus largement, à quoi bon ce moratoire si ces paiements sont juste reportés à l’année prochaine, est-ce que ce n’est pas reculer pour mieux sauter ?  D’abord, je dois me réjouir de cet effort, que je dirais préliminaire. Un effort préliminaire du G20 puisque depuis le 25 mars j’ai lancé un appel depuis Dakar pour une annulation de la dette publique et pour un rééchelonnement de la dette privée de l’Afrique. Je l’avais dit parce que justement en créant mon plan de riposte j’ai constaté que le paiement des intérêts de la dette, si ce paiement avait été différé, me donnait quasiment la moitié du montant nécessaire à ce plan qui est de 2 milliards d’euros à peu près, soit 1 000 milliards de Francs CFA. Rien que le paiement des intérêts de la dette sur l’année représentait pour le Sénégal à peu près 580 milliards de Francs CFA. C’est un peu moins qu’un milliard de dollars. Et nous avons considéré qu’une pandémie comme le Covid-19 appelle des réponses globales. Nous sommes dans un monde où la solidarité doit jouer. L’Afrique a besoin de cette solidarité en ce moment. Je pense que ceux qui ont déjà réagi positivement comme le président Macron, je le félicite au passage, mais aussi comme sa sainteté, le pape François. Nous avons été réconfortés par ses propositions. Même les institutions multilatérales comme le Fonds monétaire et la Banque Mondiale, ils ont été à la pointe du combat. Et le rééchelonnement c’est une chose, on s’en réjouit, mais il faut aller au-delà. Il faut être courageux et j’appelle mes collègues chefs d’État du G20 à aller vers de véritables réformes, car je suis convaincu qu’après le Covid il faudra un nouvel ordre mondial. Un nouvel ordre qui devra renforcer la résilience de tous les pays et de tous les États, car si demain cette maladie reste quelque part dans un village quelconque du Sénégal ou d’ailleurs, c’est toute la communauté mondiale qui est menacée. Donc la résilience dans notre système de santé mérite déjà, cette première opération va permettre de faire face à la lutte, mais il y a la résilience économique, il y a les conséquences dramatiques d...   

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