Écroué mercredi, le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi est soupçonné par la justice congolaise de malversations dans le cadre de la gestion du « programme des 100 jours » du chef de l’Etat congolais. Ses partisans dénoncent une arrestation arbitraire, une humiliation pour leur leader et une manipulation politique pour l’empêcher de se présenter à la prochaine présidentielle. Que sait-on sur ce dossier ?
Vital Kamerhe faisait office d’ordonnateur des dépenses sur le programme des 100 jours du chef de l’Etat pendant ses premiers mois de mise en œuvre, avant la mise en place du gouvernement de coalition. Et pour la société civile, il n’est que légitime que la justice lui demande de répondre à des questions.
Les proches du directeur de cabinet confirment que Vital Kamerhe a été interrogé durant plus de cinq heures d’auditions sur différents dossiers. Plusieurs sources évoquent notamment l’un des marchés sur l’achat de maisons préfabriquées. C’est pour ces mêmes faits que Samih Jammal, patron des entreprises Samibo Congo Sarl et Husmal SARL, avait été arrêté, avant d’être remis en liberté provisoire.
Dans cette audition, il a été aussi question des sauts de mouton dont l’arrêt des travaux avait provoqué des embouteillages monstres à Kinshasa. Le patron de la société Safricas Congo, David Blattner, avait lui aussi été interpellé sur ce même dossier. A cela s’ajoute des soupçons sur un marché de produits pharmaceutiques, des infrastructures en province, notamment au Sud-Kivu et au Kasaï Central.
Dans l’entourage de Félix Tshisekedi, on assure qu’il n’y a pas de complot, mais une volonté de faire toute la lumière sur la gestion de ces fonds. D’autres personnalités et institutions ont eu à répondre aux questions de la justice ces derniers jours ou semaines, anciens ministres, banque centrale et même le coordonnateur du programme des 100 jours à la présidence, sans pour autant, pour l’instant en tout cas, faire l’objet d’arrestation.
Tensions politiques
Mais dans les rangs de l’UNC, on estime que le président Tshisekedi a forcément donné son accord à l’arrestation de son directeur de cabinet. Dès lors, des proches de Vital Kamerhe s’interrogent sur la volonté réelle du chef de l’Etat de voir se maintenir la coalition présidentielle.
Ces interrogations inquiètent dans les rangs de l’UDPS, le parti du président, où l’on souhaiterait voir simplement écartée une « personnalité devenue gênante par sa gestion », sans perdre un parti allié. Un membre du cabinet présidentiel rappelle les tensions de ces derniers mois autour de cette question, entre les « clans » Kamerhe et Tshisekedi qui rendaient l’atmosphère « invivable » au Palais de la Nation.
« Ils ne vont pas nous faire croire que le directeur de cabinet a agi sans l’accord de son patron », rétorque un responsable de l’opposition. Dans les rangs du FCC, les avis sont partagés entre ceux qui se réjouissent de la « déchéance du traitre Kamerhe » qui avait défection avant l’élection de 2011, et ceux qui redoutent aujourd’hui « une chasse aux sorcières ».
On réfute en tout cas tout accord entre l’ancien et le nouveau chef de l’Etat sur le sort du directeur de cabinet. Un proche de Félix Tshisekedi reconnaît l’impulsion du chef de l’Etat qui avait proposé un audit en Conseil des ministres, et l’implication du gouvernement, largement dominé par le FCC, qui avait recommandé une enquête judiciaire.
Reste qu’au sein de la communauté diplomatique, pourtant demandeuse d’efforts en termes de lutte contre la corruption, on s’interroge sur le timing de cette procédure – qui peut créer des tensions – en pleine crise de pandémie du coronavirus.
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