Hissène Habré a été autorisé à quitter sa prison de Dakar, lundi 7 mars, pour des raisons liées au Covid-19. L’ancien président tchadien, condamné à perpétuité en 2017, sera en résidence surveillée durant 60 jours.
Cette libération fait suite à une demande déposée par la défense d’Hissène Habré, le 26 mars 2020. Dans cette lettre, l’avocat de l’ancien président tchadien affirme « qu’en raison de la pandémie du Covid-19, la prison est un milieu qui présente de réels risques de contamination par le virus […] et que son client, d’un âge avancé, est particulièrement vulnérable ».
Pas « une liberté conditionnelle »
Le juge d’application des peines a donc entendu cet argument. Et il y en a un autre : celui de l’espace dans cette prison du Cap Manuel à Dakar, qui a été choisie « pour recevoir toutes les personnes nouvellement placées sous mandat de dépôt ».
Cette prison a en effet été vidée de ses détenus, qui ont été transférés ailleurs, dans d’autres établissements, afin d’y placer tous les nouveaux détenus en isolement, le temps de la quarantaine.
En clair, il fallait faire de la place dans la prison du Cap Manuel, sachant qu’ Hissène Habré occupait tout seul un quartier spécial, qui comprenait « six locaux », selon la direction de l’administration pénitentiaire.
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L’ancien président tchadien est donc rentré dans sa résidence de Ouakam, à Dakar avec son épouse. Selon le ministre sénégalais de la justice, « il est toujours en prison, c’est tout simplement le lieu de détention qui a changé ».
Toujours selon le ministre, Hissène Habré « est surveillé par des agents de l’administration pénitentiaire 24h sur 24 ». Ce dernier précise « qu’il ne s’agit pas d’une décision du chef de l’État », ni « d’une grâce », « ni d’une libération conditionnelle ». L’ancien président ne pourra pas se déplacer, pas sortir de chez lui. Et pour les visites, le ministre indique que les droits seront exécutés « dans les mêmes conditions que quand il était en cellule au Cap Manuel ».
Craintes des collectifs de victimes
Après 60 jours, Hissène Habré devra réintégrer sa cellule, mais pour le défenseur des droits de l’homme Reed Brody, les victimes « ne peuvent que croire le gouvernement sur parole sur le fait qu’il ne s’agisse que d’une mesure temporaire ». La semaine dernière, le collectif des victimes de la dictature avait déjà lancé une mise en garde dans un communiqué intitulé « la crise sanitaire ne doit pas servir d’excuse à la libération anticipée d’Hissène Habré »
Ce n’est pas la première fois que la défense d’Hissène Habré demande sa sortie de prison. En novembre 2019, les soutiens de l’ancien président tchadien avaient demandé sa libération pour « raisons de santé » après « une chute dans la douche de sa cellule », selon son épouse. À ce moment-là, le président du collectif des victimes avait fait le déplacement de Ndjamena à Dakar pour dénoncer cette éventualité.
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Le comité des Nations unies contre la torture avait aussi écrit à l’État du Sénégal, fin décembre 2019, pour s’opposer à une éventuelle libération. Il rappelait que le Sénégal n’avait pas le droit d’écourter la peine d’Hissène Habré, condamné non pas par la justice sénégalaise, mais par les Chambres africaines extraordinaires.
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