Au Soudan l’année dernière, l’une des causes de la révolution qui a fait tomber le régime d’Omar El-Béchir, c’était le coût de la vie. Isolée, sanctionnée, l’économie soudanaise est toujours en déliquescence malgré les premières mesures des autorités de transition. La livre soudanaise, notamment, est difficilement contrôlable. Et dans ce contexte, les Soudanais calculent au plus juste pour « faire bouillir la marmite ». Reportage de notre envoyé spécial dans un magasin de primeurs du centre-ville de Khartoum.
Quelques bricoles glissées de l’étalage de primeurs vers un sac en plastique, une poignée de billets dans la main du vendeur : Mohened, comptable, énumère ses maigres courses…« Des patates, de la viande, des légumes… »
Evidemment Mohened subit, comme tous les Soudanais, les 60% et plus d’inflation et les salaires bloqués…« On ne peut plus acheter comme avant, vraiment plus autant qu’avant… Avant, quand on venait acheter des légumes c’était anodin. Mais aujourd’hui c’est une lourde responsabilité. L’inflation a une influence sur nous tous, une énorme influence. »
Comme Mohened, les clients disent tous faire la part de l’essentiel et de l’accessoire. La Banque africaine de développement estime qu’un quart des Soudanais est en situation d’extrême pauvreté. Et les deux milliards de dollars injectés en devises étrangères par les autorités de transition n’ont pas réussi, encore, à stabiliser la livre soudanaise.
Aussi Mounir le maraîcher regarde-t-il s’envoler les prix s’avec impuissance… « D’habitude, pendant la saison des patates, un kilo coûte 20 livres. Or cette année, un kilo coûte 40 livres alors que c’est la saison. Les prix ne changent pas alors qu’ils auraient dû baisser. C’est pareil avec les tomates : les prix sont toujours aussi élevés qu’en dehors de la saison. »
Mounir espère que la révolution mettra enfin bon ordre à l’économie soudanaise. Il a même sa petite idée là-dessus : « On devrait avoir des fermes d’État. Celles qui nous vendent aujourd’hui des fruits et légumes appartiennent à des commerçants. Et ce n’est même pas eux qui nous vendent à nous : il y a des intermédiaires, ce sont eux qui spéculent sur le marché et qui font monter les prix. »
Comme dans toutes les grandes capitales, il y a les marchés et les supermarchés. Au sous-sol de ce centre climatisé de Khartoum, voici un supermarché, mais dont les rayons sont déserts. Seule Hind choisit prudemment quelques légumes pour le soir. « Avant j’achetais des provisions toutes les deux semaines. Aujourd’hui, c’est au jour le jour. Heureusement que mon mari est expatrié, c’est grâce à l’argent qu’il envoie qu’on arrive à manger. Avec mon seul salaire, on ne pourrait même pas survivre une journée. »
On mange moins, on calcule au plus juste au Soudan. Et on attend surtout que le pays.
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