Après avoir purgé une peine de quatorze ans de prison, Thomas Lubanga a quitté dimanche 15 mars la prison de Makala à Kinshasa.
En sortant de prison en milieu de journée, Thomas Lubanga, 59 ans, a l’air décontracté, a constaté notre correspondant sur place, Pascal Mulegwa.
Habillé en chef africain avec son chapeau melon, il est bien loin l’image du chef de guerre des années 2000. Il ne se reproche rien et pense à sa réinsertion sociale. « Je pense que je serai correctement inséré dans la société. J’y vais aussi avec le pardon en main parce que le calvaire que j’ai vécu a été certainement construit par certaines personnes à qui je n’en voudrais vraiment pas », a-t-il déclaré.
Quand on lui pose la question sur les enfants soldats, il esquive et monte dans son 4×4. Massés devant les portes de la prison, une centaine de ses partisans l’ont accueilli vêtus de pagne, chemises ou T-shirts frappés à son effigie. Ils sont majoritairement membres de son parti, l’UPC. « C’est le Mandela de l’Ituri ! Ce qu’il a fait, personne ne pourra le faire », « il a combattu pour nos, c’est une victime qui s’est sacrifiée pour les autres. »
Une confusion au regard des faits pour lesquels il a été le premier condamné de la Cour pénale internationale. Il estime avoir servi de Cobaye à la CPI. Et ses premiers pas d’homme libre l’ont conduit à la paroisse Notre-Dame-de-Fatima. Des centaines de victimes réclament toujours réparations.
Jugé indigent
L’ancien président de l’Union des patriotes congolais avait été reconnu coupable d’avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer aux combats. Sa condamnation, confirmée en appel en 2014, a ouvert la procédure de réparations pour les victimes de ses crimes.
Il a fallu des années de procédures avant que les juges ne décident, en 2017, d’ordonner des réparations. Elles seront collectives. Elles se présenteront sous forme d’aides à l’emploi, à la formation, au logement. Alors que Thomas Lubanga a purgé sa peine, ces promesses sont toujours sur le papier. La Cour s’est engagée dans des procédures longues et lourdes et les victimes attendent encore. Autrement dit, huit ans plus tard, et dix-huit ans après les crimes, ces réparations n’ont toujours pas été allouées, rappelle notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas.
C’est Thomas Lubanga lui-même qui devrait s’acquitter de la facture. Mais l’ex-patron de l’UPC a été jugé indigent par la Cour et ne pourra donc régler les dix millions de dollars décidés par les juges. C’est donc au Fonds pour les victimes de réunir les moyens.
Mais à ce jour, cette administration chargée d’organiser les réparations n’a pu allouer que près de 4,3 millions dollars… à de futurs projets. Ils seront mis en œuvre par des intermédiaires en Ituri, essentiellement des ONG.
Sur un plan plus symbolique, le Fonds pour les victimes devra aussi construire trois mémoriaux dans l’Ituri. À plusieurs reprises depuis sa condamnation, notamment lorsqu’il demandait sans succès une remise de peine, Thomas Lubanga s’était dit prêt à organiser une cérémonie et présenter ses excuses à tous ceux qui ont souffert du conflit. Sortie de prison, Thomas Lubanga pourra en toute liberté, s’acquitter de sa promesse.
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