En Guinée, les citoyens sont appelés à se rendre aux urnes pour un double scrutin : les élections législatives et un référendum constitutionnel, ce dimanche 1er mars. La majorité de la société civile et de l’opposition politique, réunie au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), menace de tout faire pour empêcher le vote. Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition et membre du FNDC, dénonce le « parjure » d’Alpha Condé qui tente de changer la Constitution.
RFI : Dimanche se tiendra en Guinée le double scrutin, législatives et référendum constitutionnel. Double scrutin boycotté par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) dont fait partie l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Dans quel état d’esprit abordez-vous cette échéance ?
Cellou Dalein Diallo : Avec l’indignation d’abord des Guinéens, attachés à l’installation de la démocratie et de l’État de droit. Je note que monsieur Alpha Condé viole la Constitution qui a servi de base à son élection aussi bien en 2010 qu’en 2015, sur laquelle Constitution il a prêté deux fois serment. Je note qu’il est en train de commettre le parjure de changer cette Constitution. Et le FNDC va constater qu’en l’absence de la Haute Cour de justice qu’il a pris soin à dessein de ne pas mettre en place, c’est au peuple de constater qu’il n’est plus digne de la fonction présidentielle. Par rapport aux législatives, nous avons décidé d’exiger que le fichier soit assaini, pour que l’on aille à un scrutin équitable. Malheureusement, monsieur Alpha Condé, qui s’est taillé un fichier sur mesure -on a dénoncé toutes les irrégularités-, a refusé d’abord que les recommandations de la mission d’audit soient appliquées et ensuite, il a continué à faire enrôler les mineurs et à maintenir dans ce fichier beaucoup de fictifs au point que ce fichier ne représente pas l’état du corps électoral. Heureusement, nous venons d’apprendre que l’OIF [Organisation internationale de la francophonie] a dénoncé ce fichier et a décidé comme tous les autres partenaires de se retirer du processus.
La plupart des partenaires occidentaux, on peut dire. Néanmoins, on sent l’Union africaine et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) un peu en retrait par rapport à ce mouvement ?
C’est vraiment déplorable. Nous avons déploré le silence de la Cédéao et de l’Union africaine, et nous avons salué naturellement la résolution prise par le Parlement européen invitant monsieur Alpha Condé à respecter la Constitution et à organiser des élections transparentes.
Alors on a entendu des voix, au sein de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) notamment, appeler à s’en prendre au matériel électoral, aux cartes d’électeurs, aux urnes, aux bureaux de vote. Est-ce que vous cautionnez de tels propos ? Est-ce que cela fait partie de la stratégie ?
Je ne cautionne pas la violence. Donc, nous invitons les Guinéens à boycotter ce scrutin pour que monsieur Alpha condé au niveau de la participation… Il publiera toujours les résultats qu’il veut, c’est dans son habitude. Mais que la communauté internationale, la presse nationale, la presse internationale constatent que les Guinéens ne se sont pas mobilisés pour ces élections.
Parce que, de l’autre côté, du côté du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le parti au pouvoir, on entend aussi des appels à s’en prendre à ceux qui s’en prendraient au matériel électoral. On a l’impression d’une escalade ?
Ça, c’est Alpha Condé qui demande aux citoyens de frapper les autres citoyens qui essaieraient de boycotter de manière active ce processus. Cette incitation à la violence, ce n’est pas digne d’un chef d’État.
La stratégie du boycott, est-ce que finalement ce n’est pas aussi laisser la voie libre au RPG pour obtenir une majorité absolue à l’Assemblée et la légitimité nécessaire à l’adoption d’une nouvelle Constitution ?
Ici, ce n’est pas un boycott en fait. C’est le refus de valider un fichier qui ne reflète pas l’état du corps électoral. Tenez-vous bien, le corps électoral guinéen, c’est 68% de la population. Dans la sous-région, ce ratio ne dépasse jamais 41%.
Mais le résultat quelque part sera le même, c’est-à-dire une victoire du RPG et probablement du oui au référendum. Quelle stratégie après cela ?
Et même si nous avions participé au vote, Alpha Condé dans ces conditions était assuré, parce qu’il a préparé à l’avance, de la victoire aussi bien au référendum, aux législatives, dans la présidentielle d’octobre 2020.
Quelle suite, quelle stratégie après le 1er mars pour le FNDC, l’UFDG, vous-même ?
C’est continuer le combat. Nous faisons de la politique certes pour accéder au pouvoir, changer la Guinée et réconcilier les Guinéens et changer la Guinée. Mais aussi pour asseoir une démocratie apaisée, pour construire un État de droit, qui est capable de garantir la protection des droits humains et l’égalité des citoyens devant la loi, puis de promouvoir un développement pour le bonheur de tous les Guinéens.
Est-ce que vous pourriez accepter à certaines conditions de rejoindre à nouveau le processus électoral après peut-être une nouvelle révision, une mise à jour en vue de la présidentielle ?
S’il y a un fichier équitable, qui permet justement de compétir correctement, mais il n’y a pas de problème. On n’a pas peur d’une compétition. Si les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive sont réunies, on verra, on avisera.