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«Luanda Leaks»: comment s’acheter un condo à Monaco?

Alors que la justice angolaise enquête sur les détournements de fonds des proches de José Eduardo dos Santos, la fuite de plus de 715 000 documents confidentiels éclaire sous un nouveau jour les relations d’affaires entre Isabel dos Santos, fille de l’ex-chef d’État et de son mari Sindika Dokolo. Selon les « Luanda Leaks », la dernière enquête coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), le couple a dépensé 55 millions de dollars pour s’offrir un luxueux appartement à Monaco. Enquête.

Au rez-de-chaussée de la « Petite Afrique », se trouve le tout premier magasin Dolce&Gabbana de la principauté de Monaco. Lumières tamisées, canapés roses ou rayés or, dans un décor bling-bling mêlant miroirs, dorures et marbre, ce sont 800m2 répartis sur trois étages, dédiés aux créations des deux designers italiens chers au cœur de la fille de l’ancien président angolais et richissime Isabel dos Santos. Dans les étages, le luxe atteint son paroxysme : piscine privée sur le toit, bassin couvert et spa avec salles de massage, un duplex et d’immenses appartements, un par niveau, des terrasses aux planchers de travertin épais et fenêtres coulissantes avec vue sur la mer azur de la Méditerranée.

Magasin Dolce&Gabbana au rez-de-chaussée de la «Petite Afrique», Monaco. © RFI

L’immeuble moderne situé dans le « Carré d’or » historique de Monte-Carlo, impressionne surtout par un imposant système de sécurité, gardiennage 24h/24, caméras, badges et vitres fumées pour garantir l’anonymat. Il y a même un parking souterrain de six niveaux avec places attribuées, auxquelles les voitures accèdent par un ascenseur. « Ici, le maître-mot, c’est la confidentialité », lance le vigile de la « Petite Afrique », avant de refuser l’entrée au hall de cette résidence parmi les plus exclusives du Rocher.

Dans une ville-pays de deux kilomètres carrés parmi les plus chères au monde, le 6e étage d’un projet immobilier comme la « Petite Afrique » coûte plus de 50 millions d’euros. Prix pour un seul « appartement, composé de cinq pièces principales : hall d’entrée, salon – salle à manger ouvrant sur une terrasse au Sud, vestiaire et water-closet invités, bibliothèque avec vestiaire et salle d’eau, chambre de maître avec salle de bains et dressing, deux chambres, chacune avec dressing et salle de bains », détaille le contrat de vente daté du 22 décembre 2015. Ce « lot 75 » est cédé avec deux « chambres de service » pour loger les employés de maison et quatre places de parking. Ce contrat fait partie des 715 000 documents contenus dans les « Luanda Leaks ».

Extrait du contrat de vente. © RFI

Sindika Dokolo à l’origine de l’achat

Quand Isabel dos Santos et Sindika Dokolo souhaitent acquérir ce logement de luxe à Monaco, ils créent une nouvelle société-écran à Malte, leur place financière privilégiée pour investir en Europe. L’acheteur s’appellera Athol Limited, discrète compagnie enregistrée le 8 novembre 2012, quelques semaines à peine avant la vente. À sa tête, ils mettent deux de leurs hommes de confiance, dont les noms jalonnent les « Luanda Leaks » : le Portugais Jorge Manuel de Brito Pereira, un proche d’Isabel dos Santos et Noel Buttigieg Scicluna, un avocat maltais spécialisé dans les banques et sociétés offshore, ancien ambassadeur de Malte notamment auprès du Danemark, l’une des deux patries de Sindika Dokolo.

En décembre 2012, quand Athol Limited réserve ce bien exceptionnel sur plan, c’est grâce à un « prêt de long terme » de 5 millions octroyé par Sindika Dokolo pour payer « l’indemnité de blocage » (Ndlr acompte nécessaire pour réserver le bien encore en construction). À l’époque, il est encore l’unique actionnaire de la compagnie maltaise. L’homme d’affaires congolais le reconnaît : « C’est un investissement immobilier. Nous ne vivons pas à Monaco. Il n’y a rien d’illégal, je ne vois pas ce qu’il y a à commenter. »

Deux ans plus tard, M. Dokolo revend ses 1999 parts au prix d’un euro par action à sa femme. La dernière est attribuée au fidèle parmi les fidèles, Jorge Manuel de Brito Pereira. C’est avec le même type de montage financier -prête-noms et sociétés-écrans- qu’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo sont devenus propriétaires de dizaines de biens à travers le monde, des terres et immeubles en Angola, d’appartements à Londres, Dubaï, Lisbonne ou encore une villa de 1 842m2 face à la mer à Quinta do Lago, station balnéaire de luxe la plus célèbre de l’Algarve, au sud du Portugal.

Immeuble de la «Petite Afrique», bâtiment de gauche, à Monaco. © RFI

Cet enchevêtrement opaque de sociétés, M. Dokolo les explique par « la hantise des règlements de compte politiques ». « Ma famille a toujours privilégié des montages de holding complexes afin d’être protégée au maximum des spoliations des pouvoirs politiques », explique-t-il encore, avant d’ajouter que les derniers événements lui donnaient raison.

Plus de trois millions de frais de notaire

À Monaco, la profession de notaire est, comme d’autres, réservée aux quelque 9 000 Monégasques, largement minoritaires face aux 30 000 résidents étrangers que compte leur ville-pays. Me Nathalie Aureglia-Caruso a hérité du cabinet de son père et de son grand-père, situé au Winter Palace, immeuble mi-résidentiel, mi-bureaux, mitoyen de la « Petite Afrique ». C’est à cette ancienne maire adjointe de Monte-Carlo (1991-2006) que son promoteur, une société de droit monégasque Fine Properties Monte-Carlo (FPMC S.A.M.), semble avoir confié toutes ses affaires. On retrouve déjà sa signature dans les colonnes du Journal de Monaco quand S.A.M. PROTEA est rebaptisé FMPC S.A.M. en décembre 2012 après une année à peine d’existence. Son nom figure également au bas de l’acte modifiant les statuts de cette entreprise relative à « l’affectation et répartition des bénéfices », enregistrée le 6 novembre 2015. Un mois avant la finalisation de la vente avec Athol Limited et l’encaissement du dernier chèque de plusieurs dizaines de millions d’euros, les actionnaires de FMPC S.A.M. ont décidé de revoir les règles et de s’autoriser « des acomptes sur dividendes » quand « la société (…) a réalisé un bénéfice ».

En quelques clics, maître Aureglia-Caruso aurait pu lever le relatif anonymat dont jouissent les actionnaires de la toute jeune Athol Limited. Jorge Manuel de Brito, qui signe le contrat de vente en décembre 2015 pour plus de 50 millions de dollars, est déjà connu comme un proche de la fille du président angolais. « Le plus grand milliardaire d’Afrique utilise des sociétés fictives maltaises pour détenir des diamants de guerre », titrait même quelques mois plus tôt le quotidienMalta Today en citant nommément Athol Limited. C’est Forbes qui a octroyé le titre de femme la plus riche d’Afrique à Isabel dos Santos depuis 2013, non sans pointer les avantages accordés à cette « fille à papa ». Pétrole, diamants, télécom, banques, immobilier, il est de notoriété publique qu’aucun secteur n’échappe à la « princesse » d’Angola. Son père, José Eduardo dos Santos, règne d’une main de fer depuis 1979 sur le pays rongé par ses contrastes, riche en ressources, mais pauvre par sa population.

Selon les documents qu’ICIJ et ses 36 médias partenaires ont pu consulter, Me Nathalie Aureglia-Caruso a reçu au moins 3 257 200 € en guise d’honoraires d’Athol Limited. Cette somme, quoique coquette, correspond aux frais de notaire et d’enregistrement fixés dans la principauté, soit 6 % du prix de vente. L’intermédiaire monégasque n’est pas la seule à bénéficier de cette onéreuse transaction immobilière : outre les banques, la Banca Popolare di Sondrio (PBS, une banque suisse) et la Banque portugaise d’investissement (BPI), il y a les prestataires de service, tous régulièrement employés par le couple, les cabinets d’avocats, PLMJ and Ganado Advocates et les comptables maltais HRM International et Leading Edge (Malta) Ltd. Le géant américain de l’audit, PricewaterhouseCoopers (PwC) s’occupe pour sa part de la mise en conformité fiscale des opérations. Aucune de ces structures n’a alerté les autorités monégasques sur cette transaction. « Il y avait un acheteur, un vendeur et on a suivi la procédure », justifie un de ces facilitateurs. « Nous n’avons pas d’explication à donner, on est couvert par le secret professionnel. »

Pour le codirecteur d’Athol Limited, Noël Buttigieg Scicluna, il n’y avait rien à signaler. Interrogé par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), il reconnaît volontiers le 20 décembre 2019 être le directeur d’un « certain nombre » de sociétés du couple d’anciens oligarques. « Il n’y a pas de structure complexe et absolument aucune tentative de dissimuler la propriété effective ultime de Mme dos Santos », assurait-il. Cet ancien ambassadeur pointe que la richissime femme d’affaires fut et reste actionnaire de banques réglementées par la Banque du Portugal et par la Banque centrale européenne elle-même. « Des articles de presse cherchent depuis quelques années à peindre Mme dos Santos et son mari sous un mauvais jour, mais, à ma connaissance, rien de fâcheux n’a jamais été mis en action », rappelle M. Buttigieg Scicluna quelques jours avant l’annonce du gel des avoirs et actifs du couple en Angola. Depuis, il n’a plus répondu aux questions d’ICIJ et de ses partenaires.

« Monaco n’est pas si loin de l’Angola »

Si l’immeuble de dix étages s’appelle la « Petite Afrique », ce n’est pas à cause d’Isabel dos Santos. Idéalement situé à deux pas de quelques joyaux historiques -l’Hôtel de Paris, la Salle Garnier et les jardins du célèbre casino de Monte-Carlo- il doit son nom aux étonnantes plantes tropicales qui s’y multiplient grâce au microclimat vanté par les Monégasques. La bâtisse est signée Isay Weinfeld, le « starchitecte » brésilien qui a remporté ce marché rare à l’issue d’un concours qui a attiré les plus grands noms : 11 500 m2 à réinventer dans le « Carré d’or » de Monaco.

Depuis dix ans, ce micro-État est devenu l’eldorado des dos Santos, comme celui de tous les entrepreneurs. Après le couronnement d’Albert II, Monaco avait annoncé vouloir investir au moins 8 milliards d’euros pour gagner seize hectares sur la mer, sans compter les projets privés comme la « Petite Afrique ». En ce XXIe siècle, la principauté s’offre un lifting de luxe.

Jardin luxuriant du quartier de Monte-Carlo, Monaco. © RFI

Dans un discret café tout proche du condo d’Isabel dos Santos, un employé d’agence immobilière agréée ne s’étonne de rien : ni du prix de vente de l’appartement ni de la commission de la notaire, pas même du nom de la propriétaire. « Le prix du mètre carré a pris 50 % en dix ans et se négocie à près de 60 000 euros en moyenne, c’est un marché très lucratif et réservé aux fortunés de ce monde », explique-t-il, avant d’ajouter dans un éclat de rire : « Si vous cherchez une histoire, il faut regarder où va l’argent. De ce que vous expliquez, Monaco n’est pas si loin de l’Angola. » À ceci près, qu’un habitant sur trois est millionnaire dans la principauté quand un Angolais sur trois vit dans l’extrême pauvreté.

Entre un café crème et un croissant, l’employé explique à quoi il fait référence. Il dépeint le promoteur de la « Petite Afrique », Fine Properties Monte-Carlo (FPMC S.A.M.), comme l’un des derniers « prête-noms » de la « famille Casiraghi » et de son partenaire d’affaires depuis 2004, Impresa Pizzarotti & C. S.p.A, une des plus vieilles entreprises italiennes de construction. « Pour mettre un pied dans la principauté, il faut ses entrées, préférence nationale oblige, ça aussi, c’est nécessairement lucratif », explique encore cet employé d’agence immobilière, sans s’étendre. À Monaco, c’est même érigé au rang de principe constitutionnel : la « priorité » est « assurée » aux Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés.

La famille princière bénéficiaire de la transaction

Dans la « famille Casiraghi », le pionnier à Monaco, c’est Stefano, coureur de hors-bord, mondain italien, homme d’affaires et deuxième mari de Caroline de Monaco, fille aînée du prince Rainier III et de l’actrice américaine Grace Kelly. La vie de Caroline, comme celle de ses enfants, a toujours fait les beaux jours de la presse people. Ce qui s’écrit moins, c’est qu’au lendemain de son mariage, en 1983, le beau Stefano fonde Engeco S.A.M. entreprise de construction qui revendique aujourd’hui la réalisation de près de 70 travaux de construction ou rénovation et des dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année. C’est aussi à lui que l’on doit Monacair qui depuis 1988 gère le transport par hélicoptère des VIP de la principauté et assure depuis quelques années la liaison aérienne entre Nice et Monte-Carlo. « À Monaco aussi, il suffit parfois d’un mariage pour bâtir un empire », commente encore l’agent immobilier. Pour l’avocat de la société sœur FPMC S.A.M., Me Gérard Baudoux, Engeco est un « opérateur important sur la place de Monaco » « parmi d’autres », elle « n’a bénéficié ou ne bénéficie d’aucun privilège. »

Quand Stefano Casiraghi meurt dans une course de bateau offshore le 3 octobre 1990, ses enfants, Pierre et Andrea, sont mineurs, mais héritent de l’empire. Ils sont initiés aux affaires par leur oncle, Marco Casiraghi, président ou directeur de plusieurs de leurs sociétés. Même si des officiels monégasques disent en douter, les fils Casiraghi fréquentent les mêmes cercles qu’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo. C’est la jetset internationale qui sillonne les capitales, de grands projets d’investissements en événements glamours. Quelques mois avant la première promesse d’achat du luxueux condo de Monaco en 2012 à FPMC S.A.M., le couple célèbre à Cannes le rachat de De Grisogono. L’aîné de la princesse Caroline, Andrea Casiraghi, assiste aussi à la fête annuelle de la marque. Sa promise et future femme Tatiana Santo Domingo, elle-même milliardaire, l’accompagne.

L’ainé de Caroline de Monaco, Andreas Casiraghi, avec l’ami et associé d’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo, Fawaz Gruosi, fondateur de De Grisogono, à Antibes, le 23 mai 2012. © Michel Dufour/WireImage

Le couple et ce membre de la famille princière de Monaco ont-ils pu s’y rencontrer et sympathiser ? L’avocat de FMPC s’offusque que la question puisse être même posée, qualifiant cette « interférence » dans la sphère privée d’« étonnante ». Me Gérard Baudoux indique que « Messieurs Pierre et Andrea Casiraghi n’ont aucun lien avec madame Isabel dos Santos et/ou monsieur Sindika Dokolo ».

Il n’y a pas besoin de « Luanda Leaks » pour découvrir l’étendu de l’empire Casiraghi à Monaco, le rapport annuel d’Impresa Pizzarotti & C. S.p.A en 2016 renseigne sur les volumes d’argent, public comme privé, brassés par Engeco et sa nébuleuse. On y retrouve « deux projets immobiliers prestigieux de La « Petite Afrique » et du Jardin exotique, d’un montant total d’environ 450 millions d’euros chacun », se félicite son partenaire expérimenté et pourtant minoritaire.

Ce n’est pas tout. Le rapport d’Impresa Pizzarotti & C. S.p.A mentionne aussi un « montant cumulé » d’environ 434 millions d’euros pour la participation du duo Casiraghi-Pizzarotti au projet « extension de mer ». Un projet qui doit permettre à Monaco de gagner six hectares de terrain sur la mer, et deux nouvelles commandes : la construction d’un bâtiment de la maison de retraite Cap Fleuri qui dépend du centre hospitalier public princesse Grace et une partie du chantier de rénovation du « Sporting d’Hiver », « huit prestigieux bâtiments d’hébergement et commerciaux situés dans les jardins du Casino de Monte-Carlo. » Le Rocher se réinvente avec la famille Casiraghi.

À 48h de la publication des premières révélations des « Luanda Leaks », un journal portugais, L’Espresso, annonce l’ouverture d’une enquête dans la principauté. L’information est confirmée par un « fonctionnaire du service angolais d’enquêtes criminelles », qui suit l’affaire en « étroite collaboration » avec Interpol. Du côté de la principauté, un officiel s’en étonne et rectifie : « Il n’y a pas d’enquête ouverte à Monaco. » Selon les informations recueillies par RFI, le parquet général a plutôt émis une requête via Interpol pour connaître le statut de Mme dos Santos et de M. Dokolo.

Droits de réponse :

Interrogé sur les raisons qui ont fait que son client n’a pas dénoncé cette transaction au vu de l’identité des acheteurs, l’avocat de FPMC S.A.M., Me Gérard Baudoux, s’interroge sur le caractère « pernicieux, ou en tout état de cause abusif, d’apprécier la situation de l’époque en fonction d’éléments et d’informations contemporains. » Il assure que la « société dédiée à la promotion immobilière » s’est entourée pour gérer le projet de la « Petite Afrique » de « professionnels avisés en charge de vérifier la régularité, dans tous leurs aspects, des transactions, conventions et actes contenus. »

Le cabinet de Me Nathalie Aureglia-Caruso n’a pas donné suite aux sollicitations de RFI.

Contacté par RFI, le gouvernement de la principauté n’a pas souhaité réagir sur des faits individuels, mais promet des sanctions en cas de manquement aux dispositions relatives au blanchiment d’argent.

Interrogé par le Consortium international des journalistes d’investigation et ses médias partenaires, le cabinet d’audit américain, PricewaterhouseCoopers International Limited, a annoncé avoir « pris des mesures pour mettre fin à tout travail en cours pour les entités contrôlées par des membres de la famille dos Santos ». Il dit avoir ouvert une enquête pour répondre aux « allégations très graves et préoccupantes qui ont été soulevées » par l’enquête des « Luanda leaks » et « s’efforcer de maintenir les normes professionnelles les plus élevées ».


La principauté veut « sortir de l’équation Monaco = blanchiment »

Quand le prince Albert accède au trône, le jeudi 17 novembre 2005, Monaco est encore un paradis fiscal. C’est une question qu’il aborde frontalement dans son discours d’intronisation : « Je me battrai de toutes mes forces qu’on sorte à jamais de l’équation Monaco = blanchiment ». Quatre ans plus tard, la principauté prenait des engagements pour sortir de la liste grise de l’OCDE des juridictions non coopératives en matière fiscale. Il faudra presque dix ans de plus pour qu’elle abandonne son sacro-saint secret bancaire. Depuis le 1er janvier 2018, l’échange d’informations est automatique entre Monaco et l’Union européenne sur les comptes bancaires de leurs ressortissants respectifs. Dans les prochains mois, le gouvernement devrait proposer un texte visant à créer un registre de bénéficiaires uniques, outil indispensable à la traçabilité des transactions, pour se conformer à la cinquième directive de l’Union européenne relative au blanchiment d’argent.

Palais princier de Monaco. © RFI

Au palais de justice de Monaco, la préoccupation actuelle est de rendre opérationnel tout cet arsenal de lutte contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. « Pour qu’il y ait des poursuites, dans un premier temps, il faut avoir une déclaration de soupçon qui arrive jusqu’à l’autorité judiciaire », commente le magistrat français Robert Ghelli, fraîchement promu directeur des services judiciaires de la principauté. C’est un autre Français Michel Hunault, ancien rapporteur des lois de lutte contre le blanchiment et la corruption, qui depuis le 1er juillet 2019 a pris la tête du Service d’information et de contrôle sur les circuits financiers (SICCFIN), dont le renforcement, en cours, « va certainement avoir un rôle important », espère Robert Ghelli.

Banquiers, notaires, avocats, comptables, tous ceux qui sont impliqués dans des transactions financières sont assujettis depuis plus de dix ans à cette déclaration de soupçons. Mais c’est un mécanisme qui reste trop peu utilisé dans le cadre des opérations immobilières, reconnaissent les autorités monégasques. « À Monaco, il y a une culture du respect de l’anonymat et de la confidentialité », reconnaît un officiel monégasque. « Avec 9 000 nationaux, presque 40 000 résidents sur 2km2, si on devait s’intéresser aux affaires des autres, ce serait invivable. » L’affirmation est balayée par le ministre des Finances et de l’Économie de la principauté : « Il ne faut pas confondre confidentialité et manque de transparence ». Jean Castellini insiste sur le fait que « les instructions qui sont données en la matière par les autorités sont très claires » et qu’en cas de dénonciations, des sanctions seront prises, quelles que soient les responsables.

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