L’ONG malgache Enda tente de venir en aide aux mal-logés à travers son projet « Un logement digne pour tous ». Pour sensibiliser les populations non concernées, une exposition photographique itinérante d’une quarantaine de clichés a été créée début décembre pour montrer la réalité du quotidien des bénéficiaires du projet. Pour sa quatrième étape, elle s’est installée au cœur du lycée français de la capitale.
Les yeux plongés dans l’objectif ou le regard ostensiblement détourné de l’appareil, les bénéficiaires du projet « Un logement digne pour tous » se sont laissés apprivoiser par le photographe. Sans pathos ni paillette, mais avec une infinie pudeur, l’artiste Rijasolo entraîne le visiteur dans l’intimité de Tananariviens défavorisés, au cœur de leur habitat rénové.
Une découverte pour Aymane et Jade, deux lycéennes de terminale, qui n’ont jamais pénétré les bas-quartiers de leur capitale. « Ces photos, c’est carrément touchant, car moi, je suis plutôt d’une famille un peu aisée, du coup quand je vois ces gens, cela me permet de prendre conscience du monde extérieur, au sein de mon propre pays. Je ressens un besoin de les aider », dit l’une d’elles.
« On n’est jamais entré chez ces gens-là en leur disant : « Bonjour, on peut visiter ? » Du coup, on a ces photos qui nous présentent comment et dans quoi ils vivent, explique l’autre. C’est choquant de voir leurs conditions ».
L’objectif de l’exposition est donc réussi. Les récits de vie de Germain le sculpteur, de Fatima la vendeuse ambulante ou de Toutou Lina, la porteuse d’eau septuagénaire, interpellent. Tant mieux, explique Haingo Maharoniaina, la coordinatrice du projet. Selon elle, « tous les petits métiers qui font tourner la ville, ce sont ces gens-là qui les assurent donc c’est pour ça que nous sommes-là, que notre projet existe : pour les aider à améliorer leur logement et leur permettre de vivre là où ils se sentent chez eux ».
Sécurisation foncière
Reconstruire la ville sur la ville avec et par les habitants de ces quartiers précaires et les faire participer financièrement, même symboliquement : 40% du coût des travaux a été pris en charge par les familles, le reste a été financé par la Fondation Abbé Pierre et l’Agence française de développement (AFD). Voilà quelques-unes des raisons du succès de la première étape de ce projet de lutte contre le mal-logement.
L’autre enjeu crucial de cette lutte, explique Haingo Maharoniaina, reste la sécurisation foncière. « Dans ces quartiers défavorisés, ces gens-là sont propriétaires uniquement grâce à la reconnaissance de l’entourage mais n’ont pas assez de papiers pour prouver que le terrain leur appartient, rappelle-t-elle. Cela signifie qu’à tout moment, on peut leur demander de quitter, de libérer le terrain qu’ils occupent ».
À Antananarivo, la capitale malgache, 60% de sa population souffre du mal-logement, selon les chiffres de 2017. Les Tananariviens les plus défavorisés sont les plus touchés par ce phénomène social massif : habitat insalubre, absence d’eau courante et de sanitaire, faible luminosité ou faible aération, surpeuplement et logement précaire.
Faciliter l’accès au foncier et garantir l’accès à un logement décent pour chaque ménage constituaient deux des promesses de campagne du président de la République. La marge de progression sur ces deux objectifs reste grande.
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