Au Bénin, c’est une condamnation qui, depuis quinze jours, fait couler beaucoup d’encre. Le 24 décembre dernier, le journaliste Ignace Sossou était condamné à 18 mois de prison ferme, assorti d’une amende, pour des posts controversés sur les réseaux sociaux.
Lors d’un forum sur les fake news, le journaliste avait relayé, sur ses pages Facebook et Twitter, les propos attribués au procureur de la République du Bénin. Mario Métonou avait alors porté plainte, estimant que ses propos avaient été sortis de leur contexte. Depuis plusieurs jours, CFI, l’agence française de développement média qui organisait l’évènement, est dans le collimateur des défenseurs du journaliste.
Ces derniers accusent l’agence d’avoir favorisé sa condamnation en envoyant une lettre très critique à son égard au ministre de la Justice béninois. Le 19 décembre dernier, le lendemain de la publication des posts d’Ignace Sossou, CFI adresse en effet un courrier d’excuses au ministre béninois de la Justice. « Nous sommes désolés qu’un journaliste peu scrupuleux », écrit l’agence, « ait profité de ce moment privilégié pour tenter de faire un buzz aux dépens de M. le procureur. » Avant d’ajouter : « CFI se distancie évidemment de ses publications sur Facebook et de ce type de pratiques qui manquent à toute déontologie. » Or, cinq jours plus tard, la lettre est utilisée à l’audience par le ministère public pour justifier ces accusations contre le journaliste.
Des « mots malheureusement mal choisis »
La polémique enfle alors sur les réseaux sociaux. Le Réseau 3i Initiative, Impact, Investigation, avec qui collabore le journaliste, demande « la libération immédiate d’Ignace Sossou », en rappelant que les faits incriminés ne pouvaient pas donner lieu à des poursuites judiciaires. Même tonalité pour Reporter sans Frontières, dont le président Christophe Deloire dénonce une condamnation « absolument illégitime et témoigne d’une dérive très dangereuse. »
L’agence CFI, qui appartient au même groupe que RFI, fait alors machine arrière début janvier. Dans un communiqué, elle reconnaît des « mots malheureusement mal choisis » au sujet du courrier et ne parle plus que de « trois posts incomplets émis par le journaliste. » « Nous regrettons autant les propos incomplets qui ont conduit à la situation juridique actuelle », ajoute l’agence « que la formulation maladroite d’une lettre dont la finalité a été dévoyée. » Car CFI l’assure : ce courrier a été fait « sans aucune intentionnalité » à l’encontre d’Ignace Sossou. Le 24 décembre dernier, l’agence avait d’ailleurs déploré sa condamnation estimant que « rien ne saurait justifier qu’un journaliste soit emprisonné pour ses écrits. »
Des explications qui ne sont pas suffisantes pour Internet sans Frontières. L’ONG dit dans un communiqué publié ce lundi « s’alarme(r) de la responsabilité de CFI dans l’emprisonnement du journaliste ». Elle demande à « l’agence française CFI de déclarer publiquement que celui-ci a fait son travail de journaliste. »