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Histoire

Au Cameroun, la mémoire meurtrie d’une indépendance néocoloniale

Il y a 60 ans, le 1er janvier 1960, le Premier ministre camerounais Ahmadou Ahidjo proclamait l’indépendance du pays. Derrière les chants, la fête et les défilés, c’est un Cameroun en état de guerre qui accédait à la souveraineté internationale. Plusieurs travaux historiques ont dévoilé, au fil de ces dernières années, la façon dont les autorités françaises ont cherché, à l’époque, à accorder l’indépendance pour tenter de marginaliser puis éliminer le mouvement indépendantiste UPC (Union des Populations du Cameroun). Et 60 ans après, l’histoire de cette période reste encore méconnue, en France comme au Cameroun.

Avec les journalistes et correspondants du service Afrique Le jour tombe. Attablé dans son séjour à Yaoundé, Hilarion Mbarga Belinga tire sur sa pipe et grignote un morceau de « bitter-kola », un fruit au goût amer. Les souvenirs qu’évoque cet homme aux cheveux grisonnants, eux, sont plutôt doux. Le 1er janvier 1960, il était encore enfant : « Papa nous a dit de rester tranquilles, que nous allions écouter quelqu’un qui allait parler à la radio. Quand papa parlait, personne ne bougeait ! On était donc là, muets… et j’ai entendu comment Ahidjo a parlé… ». Son ton devient solennel. Il mime le Premier ministre Ahmadou Ahidjo dans son discours de proclamation : « Camerounais, Camerounaises, le Cameroun est libre et indépendant ! » Hilarion Mbarga Belinga se souvient encore des rires de joie de son père. Ce sont des souvenirs moins agréables qu’évoque Mathieu Njassep, l’ancien secrétaire du chef rebelle Ernest Ouandié : « Je venais de quitter l’école et j’étais dans l’Armée de libération nationale kamerunaise [ALNK, la branche armée de l’Union des populations du Cameroun, le mouvement indépendantiste camerounais, NDLR]. Ce jour-là, il y a eu beaucoup de troubles dans les villes comme Douala et Yaoundé. » La fête et les violences. L’indépendance du Cameroun, le 1er janvier 1960 est placée sous ce double signe. La France et le pouvoir d’Ahmadou Ahidjo ont voulu composer le masque d’une indépendance festive, solennelle. De nombreux invités ont été conviés. Des réjouissances ont été prévues dans tout le pays pendant trois jours : des défilés, des repas populaires, des compétitions sportives. Mais derrière ce masque, se cachent cependant l’inquiétude et  l’insécurité : le 30 décembre, le camp Mboppi à Douala est attaqué par plusieurs centaines d’insurgés qui tuent deux gendarmes européens et à quelques heures de l’indépendance, on assiste à des raids dans les quartiers de Mokolo et de la Briqueterie, au cœur de la capitale Yaoundé. Raids qui donneront lieu à des actions de répression, alors même que les fêtes de l’indépendance battront leur plein dans d’autres quartiers. L’historien Daniel Abwa parle d’« une proclamation de l’indépendance entre peur et allégresse ». « Tour de passe-passe » Ce 1er janvier 1960 n’est en effet pas un aboutissement, mais une étape dans le face-à-face entre la France et ses alliés d’un côté, l’UPC de l’autre. L’Union des populations du Cameroun existe depuis 1948, mais suite à son interdiction, elle est passée à la clandestinité en 1955 et a dû mettre en place une action armée. Une sale guerre commence. Et naît progressivement l’idée de combattre l’UPC en utilisant ses propres mots d’ordres. « En réalité, explique Thomas Deltombe, co-auteur de Kamerun !, le tour de passe-passe de l’administration française à l’époque, c’est d’avoir réussi à retourner l’indépendance contre le peuple camerounais, pour que ''l’indépendance'' se fasse au service des intérêts français ou, en tout cas, ne nu...   

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