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2019: l’année de l’envol de la mode africaine

L’année 2019 a été marquée par l’ascension de l’Afrique dans la mode. Entre les créateurs primés, les membres de la diaspora sous les feux des projecteurs, des marques plébiscitées par la critique et certaines Fashion Week jusqu’alors périphériques s’invitant au circuit des semaines de la mode qui comptent, le continent est passé de source d’inspiration à un acteur de poids dans l’industrie de la mode.

L’annonce fin décembre de l’entrée de la maison Imane Ayissi dans la liste de membres invités de la Chambre Syndicale de la Haute Couture a été une sorte de couronnement d’une année pendant laquelle le continent africain a été plus que jamais en vogue dans le monde de la mode. Passionné des tissus venus d’Afrique, ce créateur camerounais installé en France depuis 1992 présentera ses créations à Paris le 23 janvier, à côté des maisons Chanel, Dior, Givenchy ou encore Margiela.

Mais Imane Ayissi n’est pas le seul créateur africain à porter le flambeau de la mode à l’étranger. La preuve avec le prix LVMH de cette année, donné au jeune Sud-Africain Thebe Magugu, une première pour le groupe de luxe, ou encore la collaboration entre le géant de la fast fashion H&M et la marque Mantsho, basée à Johannesburg.

Peu à peu, ces créateurs du continent ont su intégrer les codes des grands noms dans leur stratégie, tout en gardant leur identité. Mais ils ont également embrassé la dimension numérique, misant sur les réseaux sociaux comme une vitrine de visibilité globale sans passer par les circuits conventionnels de communication. Ainsi, l’Ivoirienne Rokus voit ses boucles d’oreille portées par Beyoncé, la Sud-Africaine Pichulik s’expose au Moma de New York et Lemlem, la griffe du top model éthiopien Liya Kebede, est devenue synonyme d’un business de mode écoresponsable. Sans oublier quelques événements, tout aussi symboliques, comme le Fashion Awards de meilleur mannequin de cette année, donné à la jeune Sud-Soudanaise Adut Akech.

Plus qu’une source d’inspiration

Tous ces exemples montrent qu’il est loin le temps des collections dites « africaines », comme celle présentée par Yves Saint-Laurent en 1967, quand le continent se cantonnait au rôle de simple source d’inspiration exotique. « C’est tout un écosystème qui est à l’œuvre aujourd’hui. Des photographes et des journalistes africains sont des contributeurs pour des magazines influents », explique Ramata Diallo, consultante et enseignante à Esmod, qui accompagne depuis plusieurs saisons la mode du continent.

Elle cite notamment Stephen Tayo, jeune photographe nigérian qui a tapé dans l’œil de la presse internationale avec sa vision esthétisante des rues de Lagos et des créateurs de son pays. « Ils participent à l’écriture d’un nouveau storytelling de l’Afrique et invitent le grand public et les professionnels à questionner leurs idées reçues. Les créateurs du continent puisent leur inspiration du monde contemporain et des traditions, mais ils s’appuient également sur des savoir-faire locaux absolument extraordinaires. Cela offre une perspective unique et nouvelle pour les amateurs de mode », poursuit l’enseignante.

C’est ce qui attire l’attention des consommateurs avertis et des stars de tout genre. Comme Naomi Campbell ou Alicia Keys, qui partageaient au mois de mai sur les réseaux sociaux des photos portant les pièces de Tongoro, marque sénégalaise signée Sarah Diouf, jeune créatrice qui s’inspire directement des différents cultures qui lui ont nourri, en tant que fille d’un père sénégalo-congolais et d’une mère centrafricaine. Plus africaine, impossible.

La mode comme facteur de soft power

Les marques et les créateurs s’organisent et s’exportent, mais surtout les pays du continent se rendent compte que la mode n’est pas seulement une histoire de podium et paillettes, mais aussi un vecteur économique et de soft power important. « L’engouement pour l’Afrique est lié à l’avènement d’une diaspora éduquée et puissante, qui revendique fièrement ses origines africaines, à la performance économique de plusieurs pays tels que le Rwanda, le Nigeria ou le Sénégal, mais aussi aux stratégies des gouvernements tels que celui du Ghana, pour changer l’image du tourisme, loin des clichés des safaris et de la pauvreté », résume la consultante.

Cela explique le bruit autour des semaines de la mode en Afrique. Si traditionnellement l’industrie n’avait des yeux que pour ce qu’on appelle les « Big Four » (Paris, New York, Londres et Milan), des villes comme Lagos entrent dans le circuit. En misant sur une clientèle locale, mais aussi panafricaine et internationale, l’événement nigérian attire de plus en plus les journalistes et acheteurs en quête de jeunes talents.

Et tout ça s’exporte, de plus en plus. Comme en septembre dernier, en pleine Fashion Week parisienne, quand Omoyemi Akerele, la dynamique organisatrice de la Semaine de la mode de Lagos, a débarqué à Paris avec une poignée de marques qui défilent au Nigeria. Simultanément, Emmanuelle Courrèges, journaliste qui depuis plusieurs années suit l’évolution de la mode de ce continent dans lequel elle a grandi, exposait dans un autre showroom parisien plusieurs créateurs, notamment de l’Afrique francophone, tandis qu’Adama Paris organisait une nouvelle édition de sa Black Fashion Xpérience, marathon de défilés pour célébrer la mode africaine, de retour en France après trois ans d’absence.

Un peu comme les Japonais et les Belges le faisaient dans les années 1980, les créateurs africains vivent leur moment. En espérant que cela ne soit pas juste un phénomène de mode.

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