Après avoir purgé 124 jours de détention, Omoyele Sowore et Olawale Bakare comparaissaient libres pour la première fois ce 6 décembre devant la Haute Cour d’Abuja, la capitale nigériane. La veille, ils avaient été libérés par la DSS (Department of State Security) suite à une énième injonction de la juge Ojukwu. Une brève audience avait acté l’accord entre les deux parties sur un dernier renvoi pour une audience du 11 au 13 février 2020 afin que chaque camp puisse défendre sa position.
Mais au moment où les prévenus et les avocats des deux parties allaient quitter la chambre n°7 de la Haute Cour, une quinzaine d’agents de la DSS, armes aux poings, tout de noir vêtus et pour certains le visage dissimulé sous une cagoule, ont fait irruption dans la salle du tribunal alors qu’une autre audience allait démarrer. Ils étaient venus arrêter Omoyele Sowore et Olawale Bakare. Des partisans et avocats des deux hommes se sont alors interposés et ont formé un bouclier humain. Des cris ont fusé de part et d’autre. Devant le chaos, la juge Ojukwu a été exfiltrée par ses assistants.
« Déstabiliser le Nigeria »
Après au moins une heure de négociations improvisées entre les avocats des deux prévenus et des responsables présents des services secrets, Omoyele Sowore et Olawale Bakare ont quitté la salle, entourés par leurs partisans. Après plusieurs échanges tendus avec des représentants de la DSS, maître Falana s’est engouffré dans un 4×4 noir. Pour dénouer la situation, il a demandé au conducteur, un proche des deux coaccusés, de descendre. Un agent de la DSS a alors pris le volant avant d’emmener l’avocat et ses clients suivi par un convoi de plusieurs véhicules des services secrets.
Candidat lors de l’élection présidentielle 2019, Omoyele Sowore est le directeur de publication d’un journal en ligne, Sahara Reporters, basé à Lagos et à New York. Il s’est vu reprocher par les autorités nigérianes d’avoir voulu « déstabiliser le Nigeria » en appelant à une révolution. Il est aussi dans le collimateur des autorités pour sept chefs d’accusation et notamment pour s’être rapproché de Nnamdi Kanu, le leader « néo-biafrais » en fuite depuis plusieurs mois alors que son affaire est toujours en cours.
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