La France étudie « toutes les options stratégiques » pour son engagement militaire au Sahel, y compris « une plus grande implication des alliés », a déclaré Emmanuel Macron, après la mort de 13 soldats de l’opération Barkhane au Mali.
Le tragique accident d’hélicoptère ne changera pas l’engagement français au Mali. Abandonner la bande sahélo-sahélienne aux groupes terroristes ferait courir un danger à toute l’Afrique francophone. Ce n’est donc pas une option pour Paris.
L’aide au développement, un axe-clé
Il n’y aura pas non plus de « surge », terme anglo-saxon pour évoquer un renfort significatif du contingent de Barkhane. Car les forces françaises fonctionnent déjà à la limite de leur capacité.
Dans l’entourage du président Macron on s’interroge plutôt sur les priorités : faut-il par exemple porter l’effort sur une zone en particulier, comme le Liptako-Gourma ? Faut-il privilégier la formation des armées partenaires du G5 Sahel ? Ou encore quelle place pour l’aide au développement ? Un axe-clé de la stratégie au Sahel, insiste Jean-Michel Jacques.
Vice-président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, il mène une mission d’information sur le continuum sécurité-développement. De retour du Mali, Jean-Michel Jacques plaide pour un développement décentralisé et conditionné : « Si l’on met de l’argent dans le développement, il faut absolument vérifier que les choses se fassent en temps et en heure conformément à ce qui est demandé. Parce que, s’il n’y a pas cette notion de redevabilité, on favorise finalement l’écoulement ou l’érosion d’une partie de ces investissements vers de mauvaises pratiques et de mauvaises habitudes que l’on peut retrouver localement et qui porte le nom de la corruption. Et puis il faut être efficace, c’est-à-dire que la situation ne peut pas éternellement rester en l’état, donc il faut mettre une limite dans le temps. »
Une plus grande implication des partenaires européens…
La mise en place prochaine de la Task force Tacouba (Sabre en langue touarègue) devrait réunir des forces spéciales issues d’une douzaine de nations européennes. La France ne veut plus être seule au Sahel. François Lecointre, chef d’état-Major des armées, est confiant ; cette solution permettra, a-t-il dit sur l’antenne de RFI, de soulager la force Barkhane : « Dans les contacts que j’ai avec les autorités militaires de nos alliés européens, il y a la conviction très forte que la situation nécessite un engagement plus important des Européens. Beaucoup de pays, notamment d’Europe du Nord et de l’Est sont intéressés à s’engager à nos côtés dans ces opérations et j’espère qu’ils seront de plus en plus nombreux, mais ils ont de vraies compétences de vraies capacités et nous arriverons ensemble à agréger nos efforts ».
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L’européanisation de la Force Barkhane est une volonté politique ancienne de la France, mais qui n’apportera pas d’efficacité opérationnelle, assure Elie Tenenbaum, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) : « En dehors de quelques niches capacitaires, on sait que l’européanisation du dispositif Barkhane n’a pas tant une efficacité opérationnelle qu’un gain en légitimité politique. Il s’agit derrière de servir un narratif dans lequel on explique que la France n’est pas la puissance néo-impérialiste, dans une ancienne colonie qui mènerait une guerre de manière unilatérale. Il s’agit de gagner en légitimité politique et puis aussi pour Emmanuel Macron de construire dans les faits, la défense européenne qu’il appelle de ses vœux. »
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