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Présidentielle en Algérie: «Il n’y a rien à attendre de cette campagne électorale»

Ce dimanche marque le premier jour de la campagne pour la première présidentielle post-Bouteflika. Une élection massivement rejetée par la rue qui estime qu’un scrutin organisé par le régime militaire de transition ne servira qu’à recycler l’ancien régime en place.

Vendredi encore, des millions d’Algériens ont manifesté dans tout le pays pour dire non à l’élection présidentielle du 12 décembre prochain, la première depuis le départ d’Abdel Aziz Bouteflika en avril, après vingt ans au pouvoir. Cinq candidats sont en lice, dont deux anciens Premiers ministres de l’ex-président. Mouloud Boumghar, professeur de droit à l’université de Picardie, analyse la campagne qui commence ce dimanche.

RFI : Dans quel climat démarre cette campagne électorale ?

Mouloud Boumghar : Le climat est à peu près le même que depuis quelques mois, c’est-à-dire qu’il y a des manifestations massives, qui regroupent une très grande partie de la population : des gens issus de différentes générations, de classes sociales très différentes, de régions différentes. Donc des manifestations massives et nationales. Et ces manifestants ont une revendication très claire : ils ne veulent plus de ce régime politique, ils ne veulent plus de ce système politique, qui est incarné à la fois aujourd’hui par le chef de l’état-major Ahmed Gaïd Salah et le haut-commandement militaire de manière générale, et de l’autre côté par le Premier ministre Noureddine Bedoui ou le chef de l’État par intérim Abdelkader Bensalah. Le deuxième élément qui caractérise ce climat, c’est la détermination, la constance de la revendication, la détermination des manifestants qui, depuis neuf mois, battent le pavé tous les vendredis. Enfin, le troisième élément, c’est la répression exercée par le pouvoir qui veut passer en force et qui imposer ces élections alors que manifestement il y a un rejet populaire, massif de cette élection présidentielle parce que les manifestants exigent d’abord le départ du pouvoir.

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Dans ces conditions, que faut-il attendre de cette campagne présidentielle ?

Pour les manifestants, les personnes qui se sont présentées à ces élections ont choisi leur camp, c’est-à-dire le camp du régime et de la perpétuation du régime. Même si quelqu’un comme Ali Benflis, ancien Premier ministre de Bouteflika, qui s’est présenté déjà à deux élections présidentielles par le passé, prétend vouloir changer le régime, c’est tout à fait faux. Il ne peut pas changer le régime, tout simplement parce qu’il en est issu et parce qu’il a les codes de ce régime. Il ne remet pas en cause le caractère militarisé du régime, il ne remet pas en cause véritablement son autoritarisme. Donc on ne peut pas attendre grand-chose. Alors toutes ces personnes-là disent qu’elles veulent satisfaire les revendications populaires. Mais, même le chef de l’état-major dit qu’il veut satisfaire les revendications populaires. Donc il n’y a rien à attendre de cette campagne électorale, sauf peut-être un dévoilement un peu des positions des uns et des autres. Mais à part ça, il n’y a rien à en attendre.

Du coup, il faut s’attendre à voir des meetings relativement vides, avec des mises en scène pour faire croire qu’il y a de l’engouement de la population ?

Le rejet de ce régime est massif dans le pays. Mais ce régime agit de manière à reconstituer sa clientèle et de manière à reconstituer ses réseaux de clientèle. Et par conséquent, il pourrait avoir une petite capacité de mobilisation, soit par la contrainte, soit en soudoyant les gens, soit par l’effet de la propagande. Mais même avec toute cette remobilisation qu’il espère pouvoir organiser, il y a très peu de chance que ça aille très loin. Par exemple, ils essaient de faire des contre-manifestations, des manifestations de soutien à la présidentielle. Et elles ne rassemblent pas beaucoup de monde d’abord. Comparées à des manifestations du vendredi, c’est assez ridicule. Et deuxièmement, elles sont contrées par des manifestants qui, eux, s’opposent à la tenue de la présidentielle. Qu’on s’entende bien : les gens ne sont pas opposés aux élections en tant que modalité de choix des dirigeants. Ils refusent des élections dans des conditions où elles ne pourront être ni libres ni honnêtes.

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