La RCA a plongé en 2019 dans le classement de RSF passant de la 112e place à la 145e place. Les journalistes centrafricains font face à des difficultés quotidiennes, naviguant dans un milieu médiatique sinistré par le conflit et les obstacles économiques. Un projet de loi sur la presse est en attente depuis plusieurs mois. Samedi 2 novembre, l’Union des journalistes de Centrafrique s’est réunie pour dénoncer les violences dont ils font l’objet de manière récurrente.
« Raymond Daké, Elisabeth-Blanche Olofio, René Padou, Désiré Syenga, Patrice Yanzenga, Joseph Wiliban… » Les noms des journalistes tués s’égrainent. « À ce jour aucun auteur présumé, coauteur ou commanditaire de ces exactions n’a été poursuivi… »
Pour Elise Janine Lugo, directrice des programmes à Radio Centrafrique, le plus difficile a accepter est sans doute le manque de justice. Elle connaissait bien la journaliste Elisabeth-Blanche Olofio, décédée en 2014 des suites de sévices infligés par des hommes des groupes armés.
« Elle a laissé derrière elle deux fillettes et c’est pénible pour de jeunes enfants de grandir sans leur mère, mais au moins qu’elles aient une réponse de la raison qui a fait que leur mère soit partie aussi tôt. Et donc je pense que le moment est venu maintenant pour que nous puissions essayer de susciter un éveil des consciences. Peut-être que, par rapport à la corporation, nous puissions porter plainte ne serait-ce que pour rendre un hommage à cette femme qui a servi son pays et qui a perdu sa vie pour cela. »
Le contexte sécuritaire mais aussi le rapprochement de l’échéance électorale favorisent les agressions contre les journalistes.
« L’éventail va de la pression morale des coups de fil de menace, la corruption, il y a les agressions physiques, explique Jean-Ignace Manengou, ancien président de l’association des radios communautaires. On a compté une dizaine de journalistes tués dans le cadre de leurs fonctions. J’ai l’impression qu’il y a des spécialistes qui savent très bien ce qu’il faut faire pour menacer les journalistes. »
Samedi, les journalistes réunis ont créé un mécanisme d’alerte sur les cas d’agression contre les journalistes et professionnels des médias, des cas encore trop peu répertoriés, documentés et suivis.
Les journalistes étrangers sont également victimes de la situation en Centrafrique. Trois journalistes russes ont été tués en août 2018 alors qu’ils enquêtaient sur la présence de mercenaires de leur pays en RCA. Au mois de juin, des confrères de l’AFP ont été violentés par les forces de l’ordre alors qu’ils couvraient une manifestation.
Sans oublier le cas de Camille Lepage, photojournaliste française tuée en Centrafrique en 2014 alors qu’elle couvrait le conflit. La famille de Camille demande toujours l’avancée du dossier devant la justice.