Au Cameroun, le grand dialogue national se poursuit jusqu’au 4 octobre avec 700 délégués qui travaillent à huis clos répartis dans les huit commissions qui portent sur des thèmes comme le retour des déplacés, le système judiciaire et éducatif ou encore le bilinguisme et le désarmement des ex-combattants. Au sein de la commission numéro huit, la plus suivie et la plus importante, sur la « décentralisation et le développement local », les débats ont été plutôt houleux ce 1er octobre, selon plusieurs participants.
Ce 1er octobre, la question du fédéralisme s’est invitée dans les débats du grand dialogue national au Cameroun.
« Nous avons deux cultures, deux façons de gouverner. Seul le fédéralisme peut nous aider à vivre ensemble, explique Cornelius Esua, archevêque de Bamenda, dans la province anglophone du Nord-Ouest. Je sais ce qui se passe sur le terrain. Je vois comment vivent les gens, comment ils réagissent. Il ne faut pas donner de solutions qui ne vont pas répondre à leurs attentes. Si on fait quelque chose aujourd’hui qui ne donne pas la vraie solution du problème, le problème va continuer ».
Pour Patrice Amba Salla, ancien maire Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC ) et ancien ministre, il faut plutôt mettre en œuvre la décentralisation telle que le prévoit la Constitution de 1996, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent.
« Il ne faut pas qu’une partie de nos populations décident que parce qu’ils sont mal à l’aise, il faut qu’on coupe le pays en trois. À cette allure-là, chacun va venir revendiquer une partie de son pays et on ne peut pas l’accepter », déclare-t-il en précisant que mot « sécession » a été prononcé « pour dire qu’on n’en veut pas ».
« Grand monologue hypocrite »
La question du transfert des ressources financières aux collectivités locales, dans le cadre de la décentralisation a également fait débat et les premières polémiques ont éclaté, notamment sur la composition des commissions.
« Nous dénonçons d’abord la composition unilatérale des membres de la commission, l’hyperreprésentation du parti au pouvoir, des ministres et anciens ministres et des hauts fonctionnaires. Nous avons comme l’impression que tout a été ficelé à l’avance. Donc on est en droit de ne s’attendre à rien de positif parce qu’ils vont reprendre les mêmes choses, et les méthodes seront les mêmes », déclare Jean-Robert Wafo, porte-parole du Front social-démocrate (SDF) de John Fru Ndi, qui se dit très inquiet.
Après l’ancien bâtonnier Akéré Muna, Alice Sadio de l’Alliance des forces progressistes (AFP) a claqué la porte à son tour. « Ce grand dialogue n’est qu’un grand monologue hypocrite. Nous ne sommes pas venus pour manger des petits gâteaux », a-t-elle déclaré. L’ancien député de Douala, Jean-Jacques Ekindi, est également reparti. « Je n’ai pas ressenti la magie du dialogue », explique-t-il.
Le porte-parole du grand dialogue national, George Ewane, récuse ces critiques. « Les commissionnaires n’ont pas été désignés, ils ont été élus dans la salle et le Premier ministre a indiqué que les membres de la commission ont le droit d’aller dans n’importe quelle commission, affirme-t-il. C’est un faux débat. Nous sommes camerounais. Nous ne sommes pas ici pour faire la politique. Nous sommes là pour trouver des solutions aux problèmes qui minent nos deux zones anglophones dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ».
►À lire aussi : Cameroun: Biya peut-il désamorcer la crise anglophone par le dialogue ?