Un mois maintenant que le Nigeria a fermé toutes ses frontières terrestres, dont celles avec le Bénin. Au poste-frontière de Sémé-Kraké, le pôle majeur des échanges commerciaux entre les deux pays, toute l’activité est au point mort. Environ 700 camions sont bloqués depuis la fermeture de la frontière. Les deux parcs qui les accueillent sont devenus des entrepôts de gros porteurs.
Il y a aujourd’hui près de 700 camions immobilisés à la frontière entre le Bénin et le Nigeria. Une situation que déplore Lucien Gohoungo, le représentant des gros porteurs : « C’est des camions qui ont chargé les batteries de camion, avec les tapis et les mets. Il y a beaucoup de choses qui se gâtent déjà. Le soleil frappe et ça commence à couler par terre. »
« Nous passons nos nuits dans le camion »
Autour des camions, chauffeurs et apprentis y ont installé leur vie. Severin, un conducteur, est là depuis le 20 août : « J’ai deux apprentis. Nous passons nos nuits dans le camion. Je ne sais pas pour combien de temps nous sommes là. » Tous ceux qui font des affaires à Sémé-Kraké sont touchés. C’est le cas de Geneviève, une vendeuse qui a perdu beaucoup d’argent : « On ne peut même pas parler de ça. Trop ! »
Côté trafic et flux, très peu de voitures et très peu de voyageurs circulent. Les camions et marchandises sont interdits. Depuis un mois, la douane n’a pas perçu de taxes. Selon nos informations, les recettes mensuelles à Kraké sont de l’ordre de 300 millions de francs CFA.
Le Nigeria et ses exigences…
Les exigences du Nigeria commencent à trouver réponse : une note du patron de la douane béninoise rappelle à ses équipes les 29 produits indésirables chez le voisin de l’Est. En tête, plusieurs variétés de riz, des véhicules d’occasion, du poulet congelé. La plupart sont effectivement interdits d’entrée au Nigeria par voie terrestre.
■ Le prix du riz importé flambe au Nigeria
Emmanuel Neji est une figure du marché d’Utako. Ce négociant importe du riz au Nigeria depuis plus de 20 ans : « Autrefois, je vendais toujours environ 50 sacs par jour. Maintenant, je ne vendrais pas plus de 10 sacs. Parce que ces gens qui achètent chez nous, ils espèrent la baisse du prix du riz importé dès lors que la frontière sera de nouveau rouverte. Donc, ils achètent probablement de l’igname et du gari [de la semoule de manioc] en attendant le jour où le coût du riz va descendre. »
Cinquante kilos de riz importé valaient près 35 euros il y a quelques semaines. Aujourd’hui, le même sac approche les 53 euros. En arrivant au Nigeria, les riz thaï ou basmati sont reconditionnés. Les riz importés dominent le marché.
La filière du riz made in Nigeria retrouve le sourire. Depuis le durcissement des contrôles à la frontière, cette filière s’autorise à être offensive via des prix plus bas. « Cela a un impact positif pour nous. Cela va permettre aux Nigérians d’adopter les marques locales. Les agriculteurs nigérians reçoivent un meilleur prix pour leur riz brut non décortiqué. Les meuniers nigérians, eux aussi, ont un meilleur prix. C’est donc une bonne affaire pour la filière nigériane du riz », explique Cécilia Okele, la directrice de communication de Virco, une jeune entreprise rizicole à Abuja.
Au marché d’Utako, les vendeurs de riz sont loin de partager pour l’instant cet optimisme.