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«Vie de prof» [1/5] À Conakry, Aguibou Sow, l’enseignant poète

Directeur d’école et poète Aguibou Sow partage sa vie entre l’enseignement, l’alphabétisation des campagnes guinéennes et la promotion de la culture peule. Il milite pour un retour des langues nationales dans l’éducation, convaincu que l’on n’apprend jamais mieux que dans sa langue maternelle.

Le « symbole » dort sur une étagère au fond de la bibliothèque. Aguibou Sow, directeur de l’école, se fraye un chemin parmi les cartes défraîchies pour s’en saisir avec précaution. Il en parle à voix basse : « c’est une pratique héritée de la colonisation réintroduite par les autorités lors de l’accession au pouvoir des militaires », explique-t-il. Le « symbole », c’est une corne de bœuf, fraîchement sorti de l’abattoir, que l’on attachait à l’aide d’une ficelle au cou des élèves pris à parler leur langue maternelle au lieu du français. « Les restes de viande dégageaient une odeur pestilentielle », se souvient-il, pour humilier le fautif. « Si tu l’enlèves, elle me le dira ! » Menaçait le maître. Le lendemain matin, ce dernier la posait contre son oreille et s’exclamait : « tu t’en es séparé pour dormir ! » avant de nous frapper les doigts de sa baguette.

Aguibou l’a maintes fois portée. « J’étais un peu rebelle, admet-il, mais j’étais surtout encouragé par ma mère, fervente défenseuse de la langue poular. Après la punition, il fallait revenir à l’école avec une pièce de 25 francs. Elle m’en donnait toujours deux : « pour cette fois, et pour la prochaine fois que tu parleras notre langue ». Je finis par la porter avec fierté… et aussi, car je savais que je recevrais les 25 francs ! »

« Ma mère n’était pas de la classe des farba [1] , mais les éleveurs de la famille ont toujours marché avec de la poésie dans la tête. Elle avait mémorisé les poèmes de Thierno Samba Mombeya, qu’elle nous récitait le soir avant de nous coucher. C’était notre feuilleton à nous qui n’avions pas la radio. Je conserve un vers en particulier : « Sabu neddo ko haala mu’um newotoo nde o fahminiraa ko wi’aa to Yi’al. » Une personne ne peut comprendre l’essentiel d’une science que dans sa langue. C’est la plus grande leçon qu’elle m’a donnée avant de partir. » [2]

Aguibou Sow récite un poème de Thierno Samba Mombeya
08-09-2019 - Par Carol Valade

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