Le futur gouvernement de coalition de RDC dont la composition a enfin été dévoilée hier est le fruit de sept mois de tractations entre les familles politiques de l’actuel et de l’ancien président. Ces tractations se sont déroulées dans un climat de méfiance qui a débouché sur nombreux compromis et une architecture gouvernementale lourde et complexe. Au point que certains observateurs s’interrogent sur l’efficacité de la future équipe qui va devoir affronter les urgences qui se sont accumulées depuis l’investiture de Félix Tshisekedi.
La taille de ce gouvernement laisse perplexe les observateurs: 66 postes finalement, dont 17 postes de vice-ministres, issus dans la plupart des cas d’un camp opposé à celui du ministre titulaire. Dans un souci assumé d’équilibre au sein de la coalition au pouvoir mais qui risque selon certains d’entraîner des « lourdeurs » voire des « paralysies ». Avec également des risques de concurrence entre certains ministères qui ont été scindés en deux comme celui des Affaires étrangères attribué à l’UDPS de Félix Tshisekedi, qui devra désormais composer avec un ministre de la Coopération et de l’Intégration régionale issu du camp opposé. Une source potentielle de conflit.
Un climat de méfiance
A cela s’ajoute, note le politologue Bob Kabamba, l’absence dans cette équipe de « poids lourds » au profit de personnalités inexpérimentées. Un choix délibéré selon ce chercheur pour maintenir le centre de décision hors du gouvernement, directement au niveau des deux chefs de coalition, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. « La part belle sera laissée à leurs cabinets et aux circuits parallèles », prédit aussi un diplomate non sans inquiétude car la longueur des tractations ayant abouti à ce gouvernement a révélé le climat de « méfiance totale » qui règne selon cette source entre les deux partenaires au pouvoir, ce qui pourrait constituer in fine l’un des principaux obstacles au bon fonctionnement de l’équipe ministérielle.
Pas d’état de grâce
Or le gouvernement va devoir vite se mettre au travail car les dossiers chauds sur la table ne manquent pas : l’épidémie d’Ebola, toujours pas maîtrisée, la lutte contre les groupes armés qui continuent de prospérer dans l’Est du pays et auxquels Félix Tshisekedi avait promis de s’attaquer en priorité, et sur le plan social, la gratuité de l’école primaire dès cette année.
Une promesse phare de campagne, mais dont les modalités de financement restent encore très floues, à quelques jours seulement de la rentrée. A peine d’ailleurs le nom du nouveau ministre de l’Education était-il connu hier lundi, que les syndicats enseignant l’interpellaient déjà pour dire toute leur impatience. Tout comme les syndicats, la société civile, revigorée depuis le départ de Joseph Kabila, a fait savoir tous ces derniers mois qu’elle serait aux aguets, et n’hésiteraient pas à donner de la voix si nécessaire sur les questions de justice, de respect des droits de l’homme, de lutte contre la corruption et – c’est lié – d’une réelle amélioration du quotidien des Congolais…
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Un gouvernement cher à faire fonctionner
Or pour tenir ces engagements en la matière, le chef de l’Etat va devoir assainir les finances du pays lutter contre la corruption et augmenter les recettes publiques, ce qui pourrait être compliqué sans avoir la main ni sur les ministères des Finances ni sur celui des Mines, restés dans le giron de Joseph Kabila et avec un gouvernement de 66 membres, qui à lui seul risque déjà d’engloutir une part non négligeable du budget de l’Etat.
Car le budget de fonctionnement des ministères risque de peser lourd dans le budget de l’Etat. « Lorsque vous entrez en fonction, vous avez des indemnités d’entrée et lorsque vous sortez aussi », nous explique Valéry Madianga, le chargé de la communication de l’ODEP, l’Observatoire des dépenses publiques. « Ceux qui viennent de partir ont reçu des indemnités de sortie qui représentent au moins six mois de leurs émoluments. Six millions de dollars américains ont été alloués au titre des frais d’indemnités de sortie des ministres sortants », poursuit Valéry Mandiaga qui insiste également sur les avantages en nature, comme les véhicules, reçus traditionnellement par les ministres et députés.