Derrière les noms des 54 États africains se cachent bien des histoires et autant de langues, coloniales ou pas. De l’Algérie au Zimbabwe, l’Afrique de A à Z, une série en quatre épisodes. Dans ce troisième volet, de Madagascar à Sao Tomé-et-Principe.
En langue malagasy, Madagasikara signifierait la « fin de la Terre », ce qui ferait référence à la distance à parcourir jusqu’à la Grande Île pour la partie asiatique de la population. Cela étant, l’origine du mot prête à bien des débats : il apparaît pour la première fois sous forme de Madeigascar dans un récit de voyage que fait en 1433 le Vénitien Marco Polo, qui mélange allègrement les descriptions qu’on lui a rapportées de cette île avec… Mogadiscio, en Somalie. Vient-il du persan Madgashi bar, « l’île des Malgaches » ?
Dans les textes anciens, l’île est mentionnée sous divers noms : Diab, Ménouthias, Phébol, Quanbalû, Madeigester, Malichu, Cerné. Elle est connue par les géographes arabes, dont le célèbre Idrisa, qui mentionne l’île sous le nom de gesira malai ou « île des Malais » sur une carte dessinée en 1154. L’inversion du terme malai gesira a-t-elle donné au fil des ans Madeigascar puis Madagascar ? C’est une autre hypothèse. Ce qui n’empêche pas les Portugais de la baptiser Ilha Sao Lourenço (« île Saint-Laurent ») en 1500 et les Français d’y établir le comptoir de Fort-Dauphin en 1642.
L’ancien Nyassaland colonial (Nyassa signifiant « lac » en langue yao) porte toujours le nom de son lac, le troisième plus grand d’Afrique. Malawi vient de l’Empire du Maravi, fondé au XVe siècle par le peuple forgeron des Amaravi. Le mot signifie « flammes » ou « langues de feu ». Un élément que les esprits poétiques réconcilient avec l’eau, voyant dans le lac des reflets enflammés au lever du soleil.
« Hippopotame », en bambara. Mais le Mali, que ses habitants appellent aussi « Mandé », n’a rien de l’animal amphibie. Il vient d’une tout autre histoire, celle de l’Empire mandingue. Quand le village de Mani devint la capitale de l’Empire du Mali, fondé par Soundiata Keita au XIIIe siècle, toute la région prit le nom de ses habitants, les Maninkan. Elle se fit surnommer Maghan denw ka sigiyoro, « la terre des enfants d’empereurs ». En version raccourcie, Maghan denw devint Mandé, mais le peuple Maraka traduisit la formule dans sa langue. C’est ainsi que « Maghan lémé » donna Malé, ensuite retranscrit Mali en arabe.
Loin de se résumer à la seule ville de Marrakech, fondée en 1070, le Maroc en tire pourtant son nom. L’ancienne prononciation de « Marrakch », capitale de trois dynasties, a laissé une empreinte profondément berbère – et non européenne, comme on le lit partout sur l’origine du mot Maroc, qui serait devenu ce qu’il est à cause de la version espagnole de Marrakech. En tamazight, la langue berbère, Amur veut dire « pays » et Akouch « Dieu ». Marrakech, « la terre de Dieu », va on ne peut mieux au royaume chérifien. Son roi est en effet le commandeur des croyants, selon l’article 41 de la Constitution.
L’amiral hollandais qui aborde cette île volcanique en 1598 la baptise « Maurits », en hommage à Maurits de Nassau, souverain de l’époque aux Pays-Bas. Tout au long d’un siècle de colonisation française, elle devient « l’île de France » (1715-1814), puis reprend le nom de « Mauritius » lorsqu’elle passe dans le giron de l’Empire britannique. Elle le garde à l’indépendance en 1968.
Du latin Mauretania, « terre des Maures », Mauri étant le nom donné aux tribus berbères du nord du Maroc par les Romains, puis par extension les peuples placés sous leur domination sur le territoire de l’actuel Maghreb (« Occident », en arabe). D’où vient le mot Mauri ? La racine grecque mavros signifie « noir », et maourassia en grec désignait la terre des Noirs.
Un ancien sultan de Sofola, Musa Ben Mbiki, aurait donné son nom à la petite île de Mozambique, puis toute la côte qui lui fait face. Son contemporain, le navigateur portugais Vasco de Gama, s’empare de l’île en 1507 lors de sa deuxième expédition sur la route des Indes via le Cap de Bonne-Espérance.
« Région où il n’y a rien », en nama. Le désert du Namib, dont les dunes spectaculaires longent l’océan Atlantique, a donné son nom à la Namibie, ancienne Afrique du Sud-Ouest durant la colonisation.
Le fleuve Niger, Djoliba en mandingue, est l’un des plus importants du Sahel et d’Afrique – le troisième en longueur après le Nil et le Congo. Son nom viendrait de n’eghirren, « eaux qui coulent » en tamasheq, la langue touarègue. Il a donné son nom aux actuels Niger et Nigeria, sans rapport avec le latin niger, « noir », par ailleurs racine du mot « nègre ».
Le royaume du principal groupe ethnique du pays, le peuple Ganda, a donné son nom d’Ouganda au protectorat britannique en 1894, puis au pays indépendant en 1962. Fondé par le peuple Ganda, qui parle la langue luganda, ce royaume du Buganda est unifié au XIVe siècle sous le roi Kato Kintu, et devient l’une des nations pré-coloniales les plus influentes d’Afrique de l’Est. Son nom actuel, débarrassé de sa première lettre, correspond à sa version en kiswahili, la langue véhiculaire de l’Afrique orientale.
Les Banyarwanda, peuples de langue et de culture unique, viennent du royaume pré-colonial du Rwanda, qui signifie « domaine » ou « pays qui s’étend » en kinyarwanda. Fondé au premier millénaire après Jésus-Christ, le royaume s’est maintenu jusque sous les colonisations allemande (1899-1917) et belge, avant d’être aboli en 1961 par référendum, un an avant l’indépendance. Le territoire du Ruanda-Urundi fut administré par la Belgique de 1922 à 1962 par un gouverneur général, avant de former deux États indépendants, Rwanda et Burundi.
La plus grande île de ce qui deviendra un micro-État est appelée Sao Tomé par les Portugais, qui en foulent la terre pour la première fois le 21 décembre 1471, jour de la Saint-Thomas. La seconde est baptisée Ilha do Principe en 1502, en hommage au prince Alphonse du Portugal.
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