Les habitants de la province du Darfour suivent avec inquiétude les derniers rebondissements de la crise qui agite le Soudan. Les chefs du Conseil militaire de transition (CMT) qui dirigent le pays sont en effet accusés d’avoir commis des exactions dans cette région de l’ouest du Soudan au début des années 2000.
Au Soudan, la population attend avec impatience l’issue du bras de fer entre les militaires au pouvoir et l’opposition. Une communauté en particulier regarde avec inquiétude les déroulements politiques : les habitants du Darfour, province de l’ouest du pays victime d’atrocités pendant la guerre dans les années 2000.
L’ex-président Omar el-Béchir est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre, crimes contre l’humanité et génocides au Darfour. Mais ces mêmes généraux qui ont lâché el-Béchir le mois dernier sont eux accusés d’avoir participé à cette guerre comme le numéro un du régime, le général Abdel Fattah al-Burhan et son second, le général Mohamed Hamdan Dogolo, dit « Hemidti ».
Depuis décembre dernier, Hind a participé a quasiment toutes les manifestations contre le régime. Soulagée du départ du président Omar el-Béchir, cette jeune femme, dont la famille est originaire du Darfour, regarde avec inquiétude les généraux à la tête du Conseil militaire de transition (CMT). Elle se rappelle les histoires de famille, de viols et de raids sur leurs villages.
« De nombreuses personnes âgées, y compris dans ma famille, sont inquiètes, explique-t-elle. Elles ont été témoins de ce qu’il s’est passé au Darfour. Et quand la télévision fait l’éloge de quelqu’un qui a tué un membre de votre famille ou a pillé votre village, c’est effrayant. Que quelqu’un comme Hemidti, un meurtrier, un terroriste, puisse gagner autant de pouvoir, je ne pourrais jamais lui faire confiance comme leader ».
« Hemidti », chef de milice sans éducation, futur président ?
L’association des avocats du Darfour se réjouit : le Darfour est soudainement devenu réel, explique cet avocat qui n’a pas voulu donner son nom. « Je suis content qu’ils aient découvert les Forces de réaction rapide, déclare-t-il. Quand on parlait de ces milices et leurs atrocités au Darfour, personne ne nous écoutait. Mais maintenant que ces hommes sont dans la capitale, les gens voient ce qu’ils font. Ils tuent, ils tirent sur tout le monde. Et ils sont détestés ». Cet avocat s’inquiète notamment de la montée en puissance du général Hemidti, chef de milice sans aucune éducation militaire devenu aujourd’hui numéro deux du régime.
« La plupart des gens du Darfour ont peur d’Hemidti, déclare un militant darfouri qui n’a pas souhaité donner son nom. Il a commis tellement de crimes. Il a brulé des villages, tué des gens, pillé. Maintenant qu’il fait partie du Conseil militaire de transition (CMT), les gens pensent qu’il va pouvoir continuer ce qu’il a entrepris, notamment la mainmise sur les terres. Il fait venir des gens de l’Ouest, du Tchad, du Niger, au Darfour. Ils se sont installés sur les terres des déplacés et des réfugiés. Et quand ces gens reviendront, ils ne pourront pas récupérer leur terre ».
« Les gens qu’il fait venir, il les recrute dans son armée pour les envoyer se battre au Yémen, poursuit-il. Et il se fait beaucoup d’argent en faisant cela. Je suis inquiet. Même si c’est quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’éducation, il est très ambitieux. Les gens de sa tribu pensent déjà qu’ils vont diriger le pays. Je crains qu’un jour, il ne devienne président ».
►À (re)lire : Soudan: que change l’éviction d’Omar el-Béchir pour le Darfour?