En Italie, les procureurs de Palerme ont produit leurs réquisitions lundi dans le procès de l’Érythréen Medhanie Mered, accusé d’être le chef d’un gang de trafiquants d’êtres humains en Libye. RFI a déjà évoqué cette histoire : depuis le début du procès, de nombreux éléments et plusieurs témoignages disculpent le prévenu, arrêté en 2016 au Soudan et transféré en Italie à grand renfort de publicité, et laissent penser qu’il a été pris pour un autre. Mais pourtant, les procureurs ont requis une lourde peine. Et ils s’en sont pris violemment à la presse qui a relayé les éléments disculpant l’accusé.
Malgré l’accumulation des doutes, les procureurs Ferrara et Camilleri sont formels : le jeune homme présent dans le box du tribunal de Palerme mérite à leurs yeux 14 ans de prison et 50 000 euros d’amende.
Rien n’a fait flancher leurs certitudes : ni l’absence de témoins à charge, ni les expertises scientifiques le disculpant, ni les témoignages de l’épouse, du frère et de victimes du trafiquant affirmant qu’il n’est pas la bonne personne. Pour eux, l’homme incarcéré depuis 2016 est bien le tristement célèbre Medhanie Mered Yedehgo, dit « Le Général », chef millionnaire d’un réseau de passeurs. Et non un jeune réfugié érythréen, victime d’une erreur judiciaire.
Plus encore, dans leur réquisitoire, les procureurs ont accusé la presse de mener « une campagne pour couvrir le trafiquant » en relayant les incohérences de l’accusation. Ce qui leur a valu aussitôt une condamnation publique de l’Ordre des journalistes italiens. Et ils ont aussi dénoncé nommément la militante et journaliste érythréenne Meron Estefanos, qui depuis le début aide l’avocat du prévenu.
Une accusation qui ne passe pas pour son avocate Kimberley Motley : « En dénonçant ma cliente, le procureur outrepasse clairement son pouvoir de manière scandaleuse. Franchement, c’est une tentative pathétique et désespérée de sauver la face, dans un procès qu’il va perdre parce qu’il poursuit un homme innocent. Et puis je pense aussi que c’est irresponsable de sa part de diffamer ma cliente, ce qui est un crime en Italie, d’ailleurs. »
Désormais, l’avocat du jeune homme doit plaider le 1er juillet. Et le verdict devrait être connu deux semaines plus tard.