Les images des bulldozers encadrés par les forces de l’ordre ont fait le tour des chaînes de télévision guinéennes. Des opérations « brutales », menées sans considération pour les droits ou la situation humanitaire des habitants, selon l’ONG Human Rights Watch. Les autorités rétorquent que les terrains sont propriété de l’État et que les habitants ont été préalablement informés.
Depuis le début de l’année 2019, les opérations de déguerpissement se multiplient à Conakry. Elles visent notamment les quartiers de Petit Bateau près des rails, de Dar Es Salam autour de la décharge, de Dabondy 3 et le futur centre administratif de Koloma.
Des maisons, des écoles, des boutiques, il ne reste aujourd’hui qu’un vaste champ de ruines. Le quartier de Koloma, domaine de l’État depuis la fin des années 1980, doit accueillir un nouveau centre administratif pour désengorger le centre-ville.
« Il y avait des personnes dans cette zone qui elles-mêmes disent qu’elles avaient les droits fonciers établis bien avant que la terre soit prise par l’État. L’État devrait lui-même enquêter, même dans une situation où il y a des personnes qui sont là sans droit de propriété. Les normes sont clairement établies dans les conventions internationales que la Guinée a ratifiées, et qui l’empêchent de faire ce type d’opération brutale », dénonce Jim Wormington, chercheur à Human Rignts Watch, qui publie ce 18 juin un rapport sur le sujet.
Les expulsés pas relogés sans titre de propriété
Les associations dénombrent 20 000 expulsés. Le chercheur a compté 2 500 bâtiments détruits sur la base d’images satellites. Des chiffres faux, affirme Mohamed Mahama Camara, secrétaire général du ministère de la Ville, selon qui il n’y avait pas plus de 100 familles. Sans titre de propriété, elles ne seront pas indemnisées ni relogées : « On indemnise quelqu’un qui a été officiellement installé. Quand tu viens t’installer de toi-même, tu n’as pas le droit à une indemnisation. Au moment où le décret se prenait sur ce site, le statut du droit coutumier foncier n’était pas reconnu en Guinée. Tous ceux qui disent qu’ils ont des actes, ils n’ont qu’à les amener, nous allons les confronter à la réalité. »
Plus de 30 ans après la décision de déplacer l’administration vers Koloma, les bâtiments construits se comptent sur les doigts d’une main. Les victimes ont déposé plainte devant la cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).