Deux journalistes français ont été brutalement interpellés samedi 15 juin lors de la dispersion d’une manifestation interdite à Bangui. Les forces de sécurité ont confisqué ou détruit leur matériel. Il s’agit de deux correspondants de l’AFP accrédités en Centrafrique : Charles Bouessel et Florent Vergnes.
Les deux confrères de l’AFP couvraient une manifestation interdite et tout se passait bien jusqu’à ce que les forces de sécurité dispersent les manifestants.
Lorsque tous entendent des tirs à balle réelle – des coups de semonce – les choses se gâtent.
Des policiers, qui craignent que les reporters aient filmé la scène, foncent alors sur eux. Des agents de l’OCRB, l’Office centrafricain de répression du banditisme, attrapent leur caméra, la jettent par terre et la fracassent. Ils s’emparent aussi de leur appareil-photo et de leurs téléphones.
Les deux reporters, dûment accrédités, sont ensuite amenés à l’OCRB, où ils disent avoir été tabassés — à coups de poing, coups de pied et coups de crosse – avant d’être remis à la DSPJ, la Direction des services de police judiciaire.
Ils seront libérés après une garde à vue de six heures. L’un d’eux a fait constater ses blessures par un médecin ce dimanche matin. Le certificat médical parle, entre autres, d’hématomes au visage et dans le dos.
Le ministre centrafricain de la Justice, Flavien Mbata, a déclaré à l’AFP que les deux journalistes « ont été interpellés parce qu’ils se trouvaient sur les lieux d’une manifestation interdite par la police ».
Les forces de l’ordre auraient dû faire autrement, c’est-à-dire protéger les journalistes au lieu de les empêcher de faire leur travail : informer le monde sur ce qu’il se passe au niveau de Bangui … Ils ont couvert beaucoup d’événements que ce soit à Bangui, que ce soit à l’intérieur du pays. Moi-même j’ai eu à effectuer plusieurs fois des missions avec ces deux confrères à l’intérieur du pays. Ils ne sont pas à Bangui dans une situation de clandestinité… Tous ceux qui tentaient de prendre les informations ont été menacés et d’autres ont fui. J’ai eu des témoignages de certains confrères qui ont aussi fui pour se mettre à l’abri. Tous ceux qui prenaient des images, des vidéos, étaient menacés, mais ils n’ont pas été brutalisés, arrêtés, comme les deux confrères.
Des accréditations et des papiers en règle
La direction de l’AFP a vivement protesté contre la violente interpellation de ses deux journalistes. Le directeur Afrique Boris Bachorz souligne que tous leurs papiers étaient en règles. Il estime que l’affaire est un test pour les autorités centrafricaines. « Ils ont l’occasion de montrer que la Centrafrique est un pays où les journalistes qu’ils soient étrangers ou pas peuvent travailler en toute sécurité. Elle sont l’occasion de le faire d’abord en enquêtant sur les violences dont ont été victimes nos deux journalistes et en faisant en sorte aussi que tout leur matériel leur soit restitué, le matériel qui est encore en état de l’être, puisque au moment où je vous parle je n’ai absolument aucune certitude quant à savoir si nos deux collègues disposent toujours de leurs papiers, qui ont été enlevés aussi, de leur argent, leurs téléphones portables, tout ça a disparu », a-t-il déclaré à RFI.
À la question de savoir si des charges ont été retenues contre les deux journalistes, il est encore tôt pour le savoir. « Le ministère de la Justice nous dit qu’ils prendront une décision en ce sens demain, lundi. Il est évident qu’à notre sens, aucune charge ne peut être retenue puisqu’’il s’agit de deux journalistes dûment accrédités auprès des autorités centrales centrafricaines depuis plusieurs années qui ne faisaient rien d’autre que leur travail », a précisé à RFI Boris Bachorz.
Reporters sans frontières appelle les autorités centrafricaines à sanctionner les forces de sécurité qui ont malmené les deux journalistes français.
Nous sommes scandalisés par l’attitude de policiers de l’OCRB qui a fait un usage de la force complétement disproportionné. Les journalistes ne faisaient que couvrir une manifestation, certes interdite, mais ils étaient tout à fait dans leur droit de couvrir cette manifestation. Et au moment de la dispersion, au moment où il y a eu des tirs à balles réelles que les deux journalistes ont été interpellés avec force et ensuite interrogés. On a tenté de monter des charges complètement fallacieuses et montées de toute pièce contre eux. On les a accusés d’avoir participé à l’organisation de cette manifestation. Il faut savoir que ce sont des journalistes qui sont sur place depuis au moins un an, voire deux, des journalistes connus qui ont fini par être relâchés mais les charges n’ont pas été abandonnées. Nous demandons à ce que les charges soient abandonnées et que les responsables de cette agression soient identifiés et sanctionnés.