Au Soudan, depuis dimanche la coalition civile a lancé une campagne de désobéissance civile et de grève. Dans le même temps, les hôpitaux continuent de soigner les victimes de l’attaque du « sit-in » du 3 juin. La milice paramilitaire FSR est justement accusée d’avoir attaqué plusieurs établissements de soin ce jour-là. Ce lundi, le ministère de la Santé a tenté une opération de communication en faisant visiter la clinique ophtalmologique Eye Bank, en grande partie saccagée. Mais tout ne s’est pas déroulé comme prévu.
La clinique est fermée depuis une semaine. Le matériel a été détruit, les ordinateurs fracassés. Un coffre-fort a été forcé et l’argent évidemment volé. Pour Hassan Aboudoula, du ministère de la Santé, les coupables sont tout trouvés : « C’est l’un des établissements de santé détruits par les soi-disant révolutionnaires. Ça a eu de graves conséquences pour les malades. »
Visiblement stressés par cette visite, des FSR commencent à entrer dans la cour. Rapidement, ils sont 5, 10, puis 15 et 20. Souvent jeunes et armés d’AK47. Ils disent que la presse n’a pas l’autorisation d’être là. Un appel au supérieur règle le problème. Puis finalement, la version officielle commence à changer.
« On n’arrive pas à déterminer les auteurs »
« Je ne peux pas garantir que ce soit les civils ou les FSR qui ont fait ça. Ce dont je suis sûr c’est que l’hôpital a été attaqué, mais on n’arrive pas à déterminer les auteurs », précise le ministre.
Les FSR sont accusés de s’en être pris à des hôpitaux et cliniques. La Eye Bank semble être une de leurs victimes. Ayssam Eddine, directeur de l’établissement fragilise d’ailleurs la version officielle : « Les gardiens ont dit que l’hôpital avait été saccagé. J’ai demandé par qui ? Ils ont répondu qu’on les avait assommés et qu’ils ne se souvenaient pas. Mais les assaillants n’étaient pas des civils, ils étaient armés. En tout cas, je suis très triste. »
Interrogé discrètement à part, un témoin direct affirme que les auteurs sont bien les FSR. Plusieurs dizaines dit-il. Ironie du sort, ces même paramilitaires sont aujourd’hui postés devant l’entrée pour protéger l’établissement qu’ils ont eux-mêmes détruit.
Bashir Nouri sert thé ou café aux étrangers qui viennent le voir. Il a le visage fermé, les yeux rougis et gonflés de quelqu’un qui ne dort plus. Son fils de 14 ans, Audaï, a été tué la semaine dernière à côté de leur maison.
■ Extradition au Soudan du Sud de trois figurent de la contestation
Trois figures de l’opposition, qui avaient récemment été arrêtées après le brusque durcissement de la répression contre le mouvement de contestation au Soudan, ont été libérées ce lundi, a annoncé Suna, l’agence de presse soudanaise. Mais ces trois responsables dénoncent leur extradition à Juba et considèrent cet éloignement comme illégal.
Il s’agit de Yasser Arman, membre de la coalition pour la liberté et le changement, arrêté le 5 juin, d’Ismaël Jallab, secrétaire général du mouvement de libération du peuple soudanais, section du Nord (SPLM-N), et de Mubarak Ardol, porte-parole du mouvement. Ces deux derniers ont été arrêtés le 7 juin, après leur rencontre avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qui tente une médiation visant à reprendre les négociations, entre les généraux et les dirigeants des manifestations.
Après leur libération, les trois hommes ont été emmenés au Soudan du Sud, comme le raconte Mubarak Ardol à son arrivée, ce lundi, à Juba : « Nous étions détenus dans des prisons de haute sécurité. Ce lundi matin, ils sont venus nous informer de notre libération. Ils nous ont alors bandé les yeux et installés dans une voiture. Ils nous ont menotté les mains avant de nous faire monter à bord d’un avion militaire. Ils ont aussi menotté les pieds de Yasser Arman. Ces militaires nous ont paru jeunes et au semblaient n’être au courant de rien. Nous les avons suppliés de nous enlever les bandes pour discuter, mais sans succès. Ils ne parlaient pas beaucoup, et ne nous ont pas indiqué notre destination. Nous dénonçons cette extradition. »
La libération d’Arman et des autres opposants détenus depuis le durcissement de la répression contre le mouvement de la contestation était l’une des nombreuses conditions posées par l’Alliance pour le changement et la liberté avant toute nouvelle négociation avec les généraux.