Au Soudan, les militaires préparent-ils une action violente contre le « sit-in », le centre névralgique de la révolte à Khartoum ? Cet endroit où vivent en permanence plusieurs milliers de Soudanais devant le QG de l’armée est dans le viseur des putschistes. Après deux fusillades cette semaine, la junte a déclaré que l’endroit était devenu « une menace pour le pays et les manifestants ». Désormais, les civils craignent une action violente contre ce « sit-in ».
Les contours du sit-in sont délimités par des barricades où des civils font office de gardes-frontières chargés de fouiller les arrivants. Ayssa Fatin inspecte les femmes et elle reconnaît que la vigilance a été renforcée : « On a renforcé le nombre de personnes aux fouilles qui sont plus longues. C’est vrai que la surveillance peut parfois se relâcher. Mais en ce moment on est très vigilants. On essaie d’inspecter le plus de monde possible. »
Selon les civils, les militaires tenteraient par divers moyens d’infiltrer et de déstabiliser le sit-in. Moedessi Radam, étudiant de 24 ans, a déjà stoppé plusieurs suspects. « On repère les agents parce qu’ils ont l’air stressés, ou pressés, explique-t-il. Ils n’aiment pas être fouillés. Quand on en attrape un, on le tabasse et on le rend aux militaires. Mais il n’y a jamais aucune procédure contre eux. Une fois on a même trouvé un enfant qui avait caché une bombe sous de la nourriture qu’il vendait. Le régime a aussi essayé de faire entrer des pistolets dans des pastèques. »
La coalition civile affirme que les véhicules militaires sont de plus en plus nombreux autour du sit-in ces derniers jours. Isaac Mohamed gère une barricade et craint une attaque à tout moment : « On risque un bain de sang. On ne peut se défendre qu’avec nos chants et nos slogans. On est pacifistes. On n’a pas d’armes. Mais nous on est prêt à mourir. On écrit sur notre poitrine « bienvenue les balles ». On a beaucoup d’amis qui sont déjà morts. Et on est prêts à suivre le même chemin. »
L’avertissement des militaires
Pour les manifestants, les militaires montrent simplement leur vraie nature et leur volonté de garder le pouvoir coûte que coûte. Jeudi soir, les forces de sécurité ont qualifié le sit-in de « menace pour le pays et les manifestants ».
Elles dénoncent les actes criminels commis par des « éléments incontrôlés », les attaques visant les civils et les provocations contre l’armée. Des déclarations qui font suite à deux fusillades impliquant, paradoxalement, les soldats eux-mêmes.
L’Association des professionnels craint que la rhétorique agressive du CMT soit un prélude à une attaque contre le sit-in. Elle met en garde les militaires contre une nouvelle escalade.
Une allusion aux violences de la mi-mai. Comme aujourd’hui, un accord était alors proche d’être conclu entre civils et putschistes, lorsqu’une fusillade avait éclaté aux abords de la contestation, faisant au moins six morts. Certains observateurs craignent que le scénario ne se répète et fasse encore dérailler les négociations.
Dans le même temps, le CMT a lancé une série d’attaques contre la presse. Des soldats ont mené un raid contre les bureaux de Ramatan Broadcasting, où sont installés divers médias, arrêtant des employés et saisissant du matériel. Le bureau de la chaîne Al-Jazeera a, lui, été fermé par les autorités et les journalistes interdits de couvrir le Soudan. La chaîne qatarienne a dénoncé une violation de la liberté de la presse et promis qu’elle continuerait à suivre l’actualité du pays.