À Madagascar existe un manque de volonté politique pour lutter contre la corruption. C’est la conclusion du Bureau indépendant anti-corruption jeudi lors de la présentation de son bilan annuel. L’ONG Transparency International classe la Grande Île parmi les pays les plus corrompus au monde, au 152e rang sur 180 pays. Une corruption présente à tous les niveaux.
Recensement des déclarations de patrimoines des élus, affaires de trafic de ressources naturelles ou encore de détournement de fonds, la tâche du Bianco est immense et les pressions sur les enquêteurs sont nombreuses. C’est surtout le manque de volonté politique qui freine la lutte contre la corruption, explique Jean Louis Andriamifidy, le directeur général de l’institution : « Si l’Etat veut que la lutte contre la corruption progresse, il faut impérativement donner les moyens. Ce qui n’a pas été le cas pendant les cinq dernières années parce qu’on a dû négocier avec les bailleurs de fonds pour bénéficier d’un supplément de budget pour nous permettre d’augmenter nos effectifs, d’avoir des véhicules pour effectuer nos enquêtes dans des régions éloignées. Ce sont autant de paramètres qui ne nous ont pas vraiment permis de réussir notre mission. »
L’année dernière, la dotation de l’État au Bianco était de 1 600 000 euros. Les bailleurs de fonds ont apporté 100 000 euros supplémentaires. « Ce n’est pas simplement des individus qui sont poursuivis, c’est aussi des intérêts qui sont concernés et donc quand on veut toucher à cela il y a forcément des réticences de la part de tous ceux qui pensent qu’un changement risque de remettre en cause leur situation, soit parce que ça les touches personnellement, soit parce que ça remet en cause leur manière de concevoir la politique et les affaires. C’est pour cela que la lutte contre la corruption est compliquée », ajoute Brice Lejamble, secrétaire exécutif du Comité pour la sauvegarde de l’intégrité.
Une lutte contre la corruption confrontée aussi au manque de compétences et d’intégrité de nombreux magistrats remarque Jean-Louis Andriamifidy le directeur général du Bianco. « On a pu mettre en place qu’un seul Pôle anti-corruption alors qu’on aurait dû en établir dans au moins trois provinces. Cela est dû à un manque de ressources humaines. Si je prends l’exemple de la province de Tamatave, après l’appel à candidatures, nous avons eu la réponse d’une vingtaine de magistrats, mais malheureusement après entretiens et enquêtes de moralité, nous n’avons pu en retenir que sept personnes. »
Insuffisant pour mettre en place cette juridiction essentielle, chargée de juger les affaires de corruption une fois les enquêtes bouclées. Le Bureau indépendant anti-corruption se veut toutefois optimiste et fait remarquer que des signaux positifs ont été envoyés par le nouveau régime qui a mis en place plusieurs recommandations proposées par l’institution, notamment l’interdiction des exportations de bovidés, liées à de nombreux faits de corruption.
Malgré son manque de moyens, le Bianco a pu boucler plusieurs affaires de corruption qui touchent notamment des membres de l’ancien régime, notamment 79 députés soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin pour faire passer des lois électorales l’année dernière.