Les événements dramatiques qui se sont déroulés au parc de la Pendjari ont gravement marqué le Bénin. Le 1er mai dernier, deux touristes français avaient été enlevés et leur guide béninois tué par un groupe non identifié. L’inquiétude a gagné cette région très touristique et un pays qui pour la première fois fait face à la menace des groupes armés au Sahel.
Le tableau est saisissant. De petits phacochères guidés par leur mère traversent la piste en file indienne, un groupe de babouins réunis en conclave à l’ombre d’un arbre, une famille d’éléphants qui se désaltèrent dans la fameuse mare Bali, devant des crocodiles en embuscade sous l’eau, des antilopes détalant au moindre bruit. C’est le spectacle que donne à voir le parc de Pendjari.
Bordé par une chaîne de montagnes couvertes de verdure, cette réserve de biosphère de 4 800 km2 appartient au plus important complexe d’aires protégées d’Afrique de l’Ouest. Mais depuis le 1er mai, ce paradis naturel, situé à la frontière du Burkina Faso, est devenu tristement célèbre suite à l’enlèvement de deux touristes français, libérés quelques jours plus tard grâce à l’intervention de l’armée française au pays des hommes intègres, nouvelle terre de prédilection des groupes armés au Sahel.
Une première pour le Bénin
Leur guide n’a pas eu cette chance. Le groupe de ravisseurs l’ont éliminé sur le champ. Sa dépouille, attaquée par les rapaces et donc difficilement reconnaissable, a été officiellement identifiée le 5 mai. Preuve que la menace sahélienne déborde désormais sur le territoire béninois, qui fait face à ce genre d’événements pour la première fois de son histoire.
« On ne sait plus comment penser, déclare dans un cri du cœur Mathieu Yokossipé, trésorier de l’Union des guides touristiques de la Pendjari. On pense à la mort de notre collègue et frère, on pense aussi à la mort de notre métier. Et si notre métier meurt, on meurt aussi. » Avec des collègues et des proches, le guide assiste à une cérémonie à la mémoire de Fiacre Gbédji, le trentenaire assassiné quelque jours plus tôt dans le parc.
La cérémonie se tient au domicile familial de leur confrère dans la ville carrefour de Natitingou, à deux heures de route du parc. Une trentaine d’enfants sont également présents et chantent une prière d’adieu. « Tout le monde connait Fiacre le guide, mais peu savent qu’il était aussi éducateur, explique le pasteur Sakoura Martin, le fondateur du centre d’accueil pour mineurs de Natitingou Le Bon Samaritain. A l’orphelinat, ce ne sont que des pleurs. Il va beaucoup nous manquer. »
Les guides et travailleurs du parc sont abattus par la disparition de leur collègue et le nouveau danger criminel qui plane sur la région. Tous redoutent un ralentissement important de leur activité et de leurs revenus. Assis le dos contre un arbre, des hommes attendent patiemment à l’ombre, devant l’entrée de la réserve animale. Originaires de la ville de Massari, ils ont parcouru 60 km de route goudronnée et de piste poussiéreuse pour travailler dans le parc. Pour eux, la vie doit continuer. « Le parc a toujours besoin de bras pour l’aménagement des pistes et pour des travaux de chantier, raconte Pacha Mama Abou. Nos grands frères à l’intérieur ont fait appel à nos services. Donc nous sommes là, car nous leur faisons confiance. »
La préservation des espèces menacées
Depuis la grille d’entrée du parc, il faut une bonne heure pour atteindre la base où sont installés les employés et les chercheurs en biodiversité. Une forte baisse de fréquentation est à prévoir, mais impossible d’abandonner cette indispensable aire protégée. « Le parc de la Pendjari est très important pour les espèces animales en voie de disparition, justifie Markéta Antonìnovà, directrice des projets spéciaux d’African Parks, l’ONG gestionnaire du parc. Sur les 400 lions qui subsistent en Afrique de l’Ouest, une centaine vit dans la réserve. Pareil pour les éléphants menacés partout en Afrique, nous soutenons une population de 1 700 d’entre eux. »
Epaulée d’une brigade de 100 rangers spécifiquement formés pour le parc, l’ONG assure également la lutte contre le braconnage, travaille avec les communautés locales, effectue des travaux de recherche. « Si l’activité touristique diminue, ça ne veut pas dire que les autres seront mises à l’arrêt et que l’on fermera le parc », conclut Markéta Antonìnovà.
Lors d’une réunion avec les opérateurs touristiques de la région, la direction a tenté de les rassurer en leur annonçant le renforcement du dispositif de sécurité. Le gouvernement béninois, pour qui la Pendjari constitue un pilier indispensable à son programme de développement, promet d’appuyer ces mesures. En parallèle de la France, une enquête a aussi été ouverte par la justice béninoise pour déterminer ce qui s’est passé ce triste 1er mai.