En Ouganda, le député Bobi Wine – Robert Kyagulanyi de son vrai nom – figure montante de l’opposition qui inquiète Kampala, a été libéré sous caution jeudi 2 mai. Il fait l’objet de poursuites pour avoir organisé un rassemblement illégal durant l’été 2018 à Kampala. Dans une interview accordée à la rédaction swahili de RFI, Bobi Wine revient sur les charges qui pèsent sur lui et sur l’opposition ougandaise.
« J’ai été surpris d’avoir été accusé et mis en examen pour un délit que j’aurais commis il y a plus d’un an, et j’ai été détenu. Je dois vous dire que les injustices que vous voyez à l’extérieur de la prison sont les mêmes qu’à l’intérieur. Beaucoup de gens sont détenus depuis longtemps sans procès et d’autres continuent d’être détenus malgré des accusations montées de toute pièce, comme l’incitation à la violence. Cependant, je suis heureux de vous dire que les personnes incarcérées ont la même volonté que moi, voire une volonté plus forte de libérer le pays. Ces gens-là sont tous patriotes et ils espèrent que bientôt, très bientôt, ils seront libérés des chaînes de l’oppression », confie Bobi Wine à RFI.
J’ai été surpris d’avoir été accusé et d’être mis en examen pour un délit que j’aurais commis il y a plus d’un an.
Sur le plan politique, une coalition de l’opposition contre le président Yoweri Museveni est en train de se former, en vue des élections de 2020. Bobi Wine nous parle des négociations en cours entre leaders politiques : « On continue à agréger d’autres forces du changement, tout en sachant que l’unité est la seule voie de sortie. Nous continuons à communiquer avec nos frères et sœurs du bloc DP et nos camarades Jema, de nos camarades de l’Alliance pour la transformation nationale. Et le contact le plus récent que nous avons eu c’est avec le docteur Kizzabesigye, le People’s Government. Nous espérons que nous continuerons à tisser des liens et de chercher ce qui est bénéfique pour nous tous ».
On continue à agréger d’autres forces du changement tout en sachant que l’unité est la seule voie de sortie.
Pourquoi cristallise-t-il autant de défiance de la part des autorités ?
Bobi Wine, 37 ans, porte une double casquette. C’est, à l’origine, un artiste populaire de reggae et d’afrobeat. Ses chansons dénoncent les injustices sociales. On le surnomme « le président du ghetto », car il a lui-même grandi dans un bidonville de Kampala.
En 2017, Bobi Wine fait son entrée sur la scène politique. Il est élu député à l’Assemblée nationale et se veut le porte-parole d’une jeunesse qui rêve d’une alternative à Yoweri Museveni, président au pouvoir depuis 1986. Mais il se veut aussi une alternative à une classe politique jugée vieillissante.
L’été 2018, la machine judiciaire s’abat contre lui. Avec plusieurs dizaines d’opposants, Bobi Wine est d’abord accusé de détention illégale d’armes, puis il est inculpé de trahison. Le gouvernement l’accuse d’avoir jeté des pierres sur un convoi du président alors en tournée dans le nord du pays. Placé en détention, le jeune député affirme avoir été victime de tortures. Il sera libéré quelques jours plus tard.
Cette fois-ci, la justice le poursuit pour son rôle dans un rassemblement organisé en juillet 2018, pour dénoncer une taxe sur les médias sociaux. Au-delà de ce nouveau volet judiciaire, ces dernières semaines, son entourage faisait état de « pressions récurrentes » pour l’empêcher de prendre la parole en public.