À l’origine des manifestations qui ont débuté le 19 décembre dernier, il y a la hausse du prix du pain, multiplié par trois. Ce sont donc les questions économiques, la hausse des prix, qui ont soulevé les Soudanais et amené à la destitution d’Omar el-Béchir. Et ce n’est pas nouveau, cela fait des années que les conditions de vie des Soudanais se dégradent.
Les autorités n’ont pas dû être surprises fin décembre quand les manifestants ont commencé à descendre dans la rue pour protester contrel’augmentation du prix du pain, puisque le même scénario s’était déjà produit fin 2017 avec plus d’un mois de protestations.
L’État soudanais n’a plus les moyens de subventionner la farine et quelques autres produits de base, parce qu’il n’a plus de budget pour le faire. Le pays est en crise économique de façon structurelle depuis des années. La livre soudanaise a dû être dévaluée et les prix ne cessent de grimper : 40% d’inflation en 2017, 70% cette année. Même les provinces relativement épargnées par la crise sont aujourd’hui touchées et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les mouvements de protestation ont débuté dans les régions agricoles avant de gagner la capitale.
Un pays privé des trois quarts de sa production de pétrole
L’origine de cette crise économique remonte à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011. Le départ de la moitié sud du pays a privé Khartoum des trois quarts de sa production de pétrole et donc des recettes qui permettaient au gouvernement de boucler son budget et de financer certains services sociaux ainsi que les produits de base.
Depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le gouvernement affronte une pénurie de devises. Le Soudan exporte deux fois moins de produits et de marchandises qu’il n’en importe. Ce n’est pas tenable économiquement et cela a entraîné une chute de la monnaie et donc une hausse de l’inflation. Les gens s’appauvrissent et ne le supportent plus.
Des mesures qui ont attisé les tensions
Pour diversifier son économie, le gouvernement a pris des mesures qui ont attisé les tensions et les colères. Elles n’ont rien réglé pour le quotidien des Soudanais. Par exemple, le gouvernement a voulu stimuler les recettes agricoles et a ouvert la porte aux investisseurs du Golfe. Ceux-ci ont investi dans les terres irriguées par le Nil pour exporter les récoltes chez eux, dans le Golfe. Le Soudan exporte aujourd’hui des produits agricoles vers le Golfe, mais doit importer de la farine.
Par ailleurs, beaucoup de communautés ont été expropriées de leurs terres au profit de ces investisseurs, ce qui provoque des conflits. Le même phénomène s’est produit dans le secteur minier. Le Soudan est le troisième producteur d’or en Afrique, mais en mettant la main sur la filière, le gouvernement a mécontenté les petits orpailleurs, obligés de passer par la centrale d’Etat pour commercialiser l’or, à un prix jugé souvent peu intéressant. Ce qui a favorisé la contrebande, la corruption et le mécontentement.
En fait, le gouvernement n’a pas réussi à mener une politique d’adaptation à la fin de la rente pétrolière. Et si l’on ajoute à cet échec le clientélisme et la corruption, qui sont la marque de fabrique du régime d’Omar el-Béchir, on comprend mieux la colère de la population.