Des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le QG de l’armée, dans le centre de Khartoum, mardi 9 avril, pour la quatrième journée consécutive. Depuis décembre dernier, ils demandent la démission du chef de l’Etat Omar el-Béchir, mais le mouvement a atteint un pic samedi lorsque les manifestants ont atteint le siège de des militaires.
Ils sont désormais des milliers à camper jour et nuit devant le quartier général de l’armée, à Khartoum.
Joint par téléphone tard mardi soir, ce jeune Soudanais de 25 ans explique que la mobilisation s’est renforcée dans les derniers jours.
« Je suis sur la place devant le quartier général de l’armée et il y a plus de 10 000 manifestants ici ce soir, témoigne-t-il. Il y a encore plus de gens que les nuits précédentes. La plupart sont des jeunes, mais il y a aussi des femmes, des enfants. Et les gens continuent d’arriver. Ils viennent de partout, même de l’extérieur de Khartoum. Il y en a qui viennent d’Al-Jazeera, du Nil blanc, de tout le pays. Nous allons rester sur cette place jusqu’à ce que le régime tombe. C’est la seule façon de faire passer notre message pour qu’el-Béchir doit quitter le pouvoir, qu’il n’y a plus d’autre alternative. Nous allons rester ici pour convaincre l’armée de se rallier à notre cause et faire tomber Béchir. »
Les manifestants appellent les militaires à les rejoindre. Mais malgré des images non authentifiées montrant des soldats portés par des manifestants, dansant et chantant, les intentions de l’armée restent toutefois inconnues. Jusqu’à présent, les militaires n’ont pas participé à la répression contre ces rassemblements.
Cette répression est menée par les Services de renseignement et par les forces de police anti-émeutes, fidèles au chef de l’État, et qui ont d’ailleurs tenté de déloger les manifestants à plusieurs reprises ces dernières nuits. Selon les organisateurs du mouvement, il y aurait eu sept morts dans la nuit de lundi à mardi et l’armée aurait tiré en l’air pour s’interposer entre police et manifestants. Au total, 20 personnes ont été tuées depuis samedi.
Pour la première fois mardi, la police soudanaise a appelé ses forces à ne pas intervenir contre les civils. Et a annoncé vouloir l’union du peuple soudanais pour un accord qui soutiendrait un transfert pacifique du pouvoir.
Les ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Norvège à Khartoum ont quant à elles demandé la mise en place d’« un plan de transition politique crédible ».
Le jeune manifestant soudanais explique que certains soldats semblent se rallier à la cause des manifestants.
Je suis devant le quartier général de l’armée, rapporte-t-il, et les soldats nous saluent. Nous avons pu discuter avec eux, ils sont très amicaux. Il n’y a aucune hostilité. Jour après jour, ils sont de plus en plus ouverts avec les manifestants. En tout cas, nous nous sentons en sécurité, protégés par l’armée. Nous voyons qu’ils ont encerclé la place, ils ont bloqué toutes les routes qui mènent à cette place et fouillent les voitures suspectes.
Pour Sara Abdelgalil, porte-parole de l’Association des professionnels soudanais, principal organisateur de ce mouvement, l’armée semble avoir changé d’attitude envers les manifestants. « On a vu à plusieurs reprises des militaires protéger la population des violences commises par les Services de renseignement. Cela montre que les simples soldats ne sont pas contents avec ce qu’il se passe et soutiennent ce mouvement de contestation, explique-t-elle. Ce qui les retient, ce sont les hauts gradés de l’armée qui sont pour le gouvernement et qui sont membres du parti au pouvoir. Et donc, il est difficile pour ces soldats de soutenir publiquement ce mouvement. En tout cas, c’est un pas en avant, et il semble que le cercle autour d’Omar el-Béchir est en train de se resserrer. »