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L’histoire méconnue de Mbaye Diagne, casque bleu sénégalais au Rwanda

Il a sauvé plusieurs centaines de Tutsis et de Hutus modérés. En 1994, le casque bleu sénégalais Mbaye Diagne s’est illustré par son courage au Rwanda pendant le génocide. Vingt-cinq ans après sa mort accidentelle sur le terrain, ses proches et ses compagnons d’armes à Dakar se souviennent.

Yacine Mar Diop ferme la porte vitrée du salon. Un portrait du capitaine Mbaye Diagne, des trophées, des photos renfermées dans une vitrine. C’est ici, dans cette maison de la banlieue de Dakar, que la veuve du militaire sénégalais conserve les photographies et les souvenirs de son mari.

« Je me souviens du moment lorsqu’il a dû partir au Rwanda. Il avait tout acheté au marché pour faire un bon dîner. Il nous faisait rire. Tout le temps. Puis il a dû partir vers l’aéroport. J’ai voulu l’accompagner, mais il m’a dit : « Non, Madame, tu restes ici. » Il a quitté la maison sans se retourner. C’est le dernier souvenir que je garde de lui », raconte avec émotion Yacine Mar Diop.

► À lire aussi : Rwanda: les mécanismes qui ont conduit au génocide

Ses anciens compagnons d’armes et ceux qui l’ont connu au Rwanda dessinent également le portrait d’un homme généreux et enthousiaste. Le colonel en retraite Mamadou Adje, alors capitaine lui aussi, se trouvait sur le terrain en 1994.

« Mbaye Diagne était toujours là pour les moments difficiles quand on était à Base, à Guissény, puis à Kigali. Toujours là pour amener la joie et amener la cohésion autour de lui. Il était sérieux aussi dans ce qu’il entreprend. Je l’ai appelé le Soldat stratégique. Le soldat qui est capable de faire la différence entre le combattant, le réfugié et le négociateur. »

Capitaine courage

Autant de qualités qui ont permis à Mbaye Diagne de sauver plusieurs centaines de Tutsis et de Hutus modérés. Difficile de dire combien exactement, mais d’après le département d’État américain, cité par le journaliste de la BBC Mark Doyle, le capitaine a évacué et protégé près de 600 d’entre eux. Les réfugiés ont été ensuite mis à l’abri à l’hôtel des Milles Collines, une opération supervisée par le Sénégalais.

Désobéissait-il aux ordres des Nations unies durant ces opérations ? Pour le colonel Mamadou Adje, « Mbaye Diagne respectait sa hiérarchie. Mais il n’hésitait pas à aller au-devant pour gagner en efficacité. Par exemple, un jour, il a fait interrompre le décollage d’un avion afin d’y transporter plus de réfugiés. Il s’adapte au terrain. »

Le 31 mai 1994, un obus touche la voiture du soldat non loin d’un point de passage dans la zone contrôlée par le gouvernement. Il meurt sur le coup. « À l’hôtel des Mille Collines, je me souviens des réfugiés qui pleuraient la mort de Mbaye Diagne, décrit Mamadou Adje. Tous le connaissaient. Nous étions alors très tristes. »

Une histoire méconnue au Sénégal

Sa veuve, Yacine Mar Diop, a attendu 20 ans avant que le parcours de Mbaye Diagne et ses actes soient reconnus par les Nations unies. En 2014, à Kigali pour les commémorations, l’ONU décide de donner le nom du capitaine à une décoration : la médaille pour acte de bravoure. Il est également honoré à titre posthume par Hillary Clinton, alors secrétaire d’État en 2011.

La veuve du capitaine Mbaye Diagne, Yacine Mar Diop, devant un portrait de son mari. © RFI/William de Lesseux

Au Sénégal, le nom du soldat et son histoire restent largement méconnus. Aucune rue, aucun boulevard, aucune avenue ne porte son nom. Pour trouver des traces de Mbaye Diagne dans Dakar, il faut se rendre au musée des Forces armées, qui lui a dédié une petite salle. À l’intérieur, une photo du capitaine, tout sourire. Autour, des affichages conçus par les Nations unies à propos du génocide.

Pourquoi une reconnaissance aussi timide ? Pour le directeur du musée, le colonel Mandicou Gueye « est un militaire exemplaire. […] Mais tout le processus prend du temps », souligne-t-il. La veuve du capitaine Mbaye Diagne éprouve elle aussi une difficulté à aborder cette question de la reconnaissance. « Mon souhait ce serait que le nom de mon mari puisse figurer dans les manuels scolaires du pays, estime-t-elle. Que son histoire puisse être connue de tous. Son attitude sur le terrain, son courage doivent inspirer les jeunes. »

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