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Rwanda: les dissidents politiques toujours dans le collimateur de Kagame

Alors qu’on commémore le 25e anniversaire du génocide rwandais, des voix s’élèvent pour condamner les dérives autoritaires du régime à Kigali. Le président Paul Kagame au pouvoir depuis la fin du génocide ne tolère aucune dissension, selon ses opposants. Il y a 2 ans, Kagame a été réélu à 98% pour un 3e mandat, face à une opposition politique qui a été quasiment laminée, dans les rangs de la majorité hutue, mais également parmi les anciens alliés du régime, partis en exil.

Le mois dernier, le président Paul Kagame crée la polémique. Évoquant l’assassinat d’un de ses opposants il y a plus de 20 ans, Kagame explique que Seth Sendashonga a été tué parce qu’il avait franchi une ligne rouge. Ancien ministre de l’Intérieur, devenu dissident, Sendashonga a été assassiné au Kenya, où il s’était exilé. Ses proches ont toujours accusé Kigali d’avoir commandité son meurtre.

Depuis la fin du génocide, plusieurs dizaines d’opposants ont été menacés, assassinés au Kenya, en Ouganda, en Belgique, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud.

Il y a 5 ans, Kigali a d’ailleurs provoqué la colère des autorités sud-africaines, après l’assassinat d’un ancien proche du président Kagame à Johannesburg. Le colonel Patrick Karegeya, ancien dirigeant des services de renseignement, lui aussi entré en dissidence.

Le gouvernement rwandais a toujours démenti toute implication dans les attentats et menaces à l’encontre de ses opposants politiques. Mais à plusieurs reprises le chef de l’État a tenu des propos ambigus. « Quiconque trahit le pays en paiera le prix », avait affirmé Kagame une dizaine de jours après l’assassinat de Karegeya.

Des propos qui ont insufflé un sentiment de peur parmi les Rwandais en exil, qui estiment que, même à l’étranger, personne n’est à l’abri.


« Presque toutes les voix dissidentes ont été tuées, arrêtées ou sont en exil »

Qu’ils soient ici ou à l’extérieur, le président Kagame pointe du doigt, « ceux qui pensent qu’ici il n’y a pas eu suffisamment de désordre, on leur fera payer cher ».

Ces avertissements, ils sont de plus en plus fréquents dans les discours officiels. Ambassadeurs étrangers présents ou non, Paul Kagame s’exprime toujours en anglais. « Même quand il parle d’assassinats d’opposants, il veut que les étrangers le sachent », explique l’un des détracteurs du régime.

Les rares voix dissidentes qui s’expriment encore depuis Kigali évitent tout commentaire politique en cette période de commémoration. Selon un rapport publié par l’ONU en 2014, vingt ans après le génocide, presque toutes les voix dissidentes avaient été tuées, arrêtées ou étaient en exil, les leaders hutus sont accusés de divisionnisme, leurs collègues tutsis d’atteinte à la sécurité de l’État.

Juste avant la désignation de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de la francophonie, le gouvernement avait accepté de libérer l’opposante Victoire Ingabire, le chanteur Kizito Mihigo, sous conditions, et de libérer l’activiste Diane Rwigara.

Depuis, le vice-président du parti FDU de Victoire Ingabire est porté disparu, évadé selon les autorités, le jour du sommet de l’OIF. Il n’a jamais été revu depuis. Anselme Mutuyimana, l’assistant de l’ancienne candidate à la présidentielle, a été retrouvé étranglé le mois dernier, son corps abandonné en forêt, sa famille avertie par un coup de fil anonyme.

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