Il aura fallu près de trois semaines avant qu’intervienne l'annonce d’un nouveau gouvernement en Algérie. Au final, la liste compte 28 membres, Premier ministre inclus. Noureddine Bedoui avait promis une équipe de technocrates avec des jeunes, des femmes pour répondre à la contestation contre le régime. Mais dans la rue, après cette annonce, les réactions sont plutôt sceptiques.
En Algérie, ce nouveau gouvernement n’émeut personne. En terrasses du centre-ville d’Alger, ils étaient nombreux à lire les journaux ce matin. Mais à l’image de Mabrouk, professeur de mathématiques de 30 ans, ils n’y croient pas une seconde : « Ça ne règle pas le problème. C’est du théâtre. Malheureusement, il y a la tragédie et la comédie. Ici, en Algérie, c’est toujours la tragédie. On ne sait pas qui gouverne, on ne sait pas qui commande, on ne sait pas. On n’a pas confiance. On a confiance juste dans le peuple algérien. »
Un président inexistant, des ministres silencieux, en cinq semaines de contestation, les Algériens sont passés complètement à autre chose en fait, comme l’explique Fouad 20 ans étudiant en génie mécanique : « Ce n’est pas en enlevant un pion et en laissant le même pion qu’on va faire un changement. Les personnes qu’ils ont mises, par exemple hier, sont des personnes qu’on connaît déjà depuis 1999. C’est les mêmes personnes, presque. Ce que le peuple veut, c’est voir de nouveaux visages. »
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Un gouvernement de technocrates
Et c’est vrai que le renouvellement de ce nouveau gouvernement est assez limité. Six femmes seulement, et sur les 28 membres, 15 au moins sont issus de la haute fonction publique, responsables dans des ministères, ou cadres. Ils sont donc issus de ce système que les manifestants dénoncent. Les seules figures vraiment neuves sont au nombre de deux. La ministre de la Culture a désormais 36 ans. Elle est éditrice à Constantine et avait participé aux manifestations. Depuis ce matin, elle est d’ailleurs vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Il y a aussi le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports. À 43 ans, c’est l’actuel président de la Fédération d’escrime.
Pourtant Mabrouk en est convaincu, il y a une élite jeune qui piétine : « Depuis 1962, on est gouvernés par des vieux. Donc, on veut un changement. Il y a des jeunes en Algérie, compétents, qui pensent bien et on pourra aller très loin avec eux en Algérie. »
Si le pouvoir espérait un sursaut avec cette annonce, c’est finalement un coup d’épée dans l’eau. Les Algériens ne s’y trompent pas, comme le résume Fouad avec cet exemple bien parlant : « Si tu manges du couscous et que ce couscous il est trop salé, tu vas changer le couscous ou les cuillères ? Eh bien eux, ils changement les cuillères. Nous on veut changer tout le plat. »
Vers une démission du président Bouteflika
Après ces nominations ministérielles, le président Abdelaziz Bouteflika est de plus en plus isolé. Certaines sources évoquent même une démission du chef de l'État, très prochainement. Ce serait a priori la prochaine étape désormais. D’ailleurs dès dimanche soir des télévisions disaient cette annonce imminente.
Car si on applique l’article 102 comme l’a demandé le chef de l’armée, depuis près d’une semaine, il y a deux options : soit le Conseil constitutionnel constate l’incapacité du chef de l’État à assurer sa mission du fait de sa maladie, soit il faut que le président démissionne. Et c’est l’option que les proches d’Abdelaziz Bouteflika semblent privilégier, car perçu comme plus honorable. Or avant d’enclencher cette procédure de vacance du pouvoir, il fallait un gouvernement, sinon il y aurait eu un vide institutionnel durant cette période de transition qui va commencer.