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Soudan: après les annonces d’el-Béchir, l’opposition prête à aller jusqu’au bout

Au Soudan, la contestation se poursuit malgré les mesures prises par le chef de l'Etat vendredi soir. Omar el-Béchir a annoncé la dissolution du gouvernement et a décrété l'état d'urgence. Le président dit vouloir résoudre la crise que traverse le pays.

« Des paroles en l'air ». Voilà ce que pensent les opposants du régime soudanais de la déclaration du président Omar el-Béchir. Pour Rashid Said Ahmad, membre du Parti communiste, c'est même un aveu de faiblesse du régime. « Ce régime n'a aucun moyen de sortir du bourbier dans lequel il s'est enfoncé au cours des 30 dernières années. Face au soulèvement populaire, Omar el-Béchir n'a plus beaucoup d'options », soutient-il.

« En fait, je crois que le président nous rend service, ajoute-t-il. Au lieu d'écraser le soulèvement, il lui donne plus d'énergie, il le renforce. Désormais, absolument tout le monde, même ceux qui se contentent d'observer, tous peuvent constater que ce régime, ce président, n'ont aucune solution pour sortir de la crise, qu'elle soit économique, sociale, ou régionale. Même les citoyens indécis ont une raison d'être enfin convaincus qu'Omar el-Béchir et son régime ne peuvent rien pour résoudre les problèmes du Soudan. »

Vendredi soir, ils attendaient d'Omar el-Béchir qu'il renonce officiellement à se représenter aux élections de 2020. Mais à la place, le président a seulement interrompu les activités d'un comité parlementaire qui travaillait à réviser la Constitution pour lui permettre d'effectuer un nouveau mandat. Des mesures de façade, pour ceux qui réclament un changement de régime.

L'état d'urgence légalise de fait la répression des manifestations, comme l'explique Mariam al-Mahdi, vice-présidente du parti principal d'opposition Umma. « L'état d'urgence retire toutes les libertés constitutionnelles, sauf le droit d'être jugé, celui de ne pas être tué et celui de ne pas être torturé. Sauf que ces droits ont déjà été bafoués, avant même l'état d'urgence. Donc, le but de cette déclaration, c'est juste de faire peur aux Soudanais », estime-t-elle.

En dépit des risques, l'Association des professionnels soudanais (SPA), mouvement protéiforme au cœur des manifestations, tout comme le principal parti d'opposition Umma, appelle à descendre dans la rue, comme cela a encore été le cas samedi matin. Pour l'un des membres de la SPA, Mohamed Al-Asbat, la chute du régime est inéluctable. « Ce n'est qu'une question de temps. Peut-être au bout d'une semaine, peut-être un mois, indique-t-il. Les gens sont dans la rue. »

Face à un régime qui s'accroche, l'opposition soudanaise est unanime : la mobilisation ne va cesser de se renforcer.

Omar el-Béchir isolé, mais soutenu par l'armée

Pour la première fois, Omar el-Béchir a reconnu vendredi la situation de crise dans laquelle est plongé son pays. Très isolé ces derniers mois, même au sein de son parti, le président soudanais a limogé de nombreux ministres afin d'être épaulé de ses plus proches soutiens. Le ministre de la Défense, le général Awad Ibnouf, conserve son poste et accède au grade de premier vice-président. Un autre homme de confiance, Mohamed Tahir Ayala, est nommé Premier ministre.

« Un fidèle parmi les fidèles et là c’est la loyauté qui compte plus que tout autre chose, analyse Mohamed Naji, rédacteur en chef du Sudan Tribune. C’est le même critère qui a motivé son choix pour le ministre de la Défense, qui a fait une campagne au sein de l’armée pour la neutraliser, l’empêcher de faire un coup d’Etat. »

L'armée, elle, continue de soutenir le régime. Or c'est une donnée cruciale, comme l'explique Mohamed Naji, rédacteur en chef du Sudan Tribune.

Toutes les conditions du changement politiques au Soudan sont réunies, sauf l’armée qui fait défaut.
Mohamed Naji, rédacteur en chef du «Sudan Tribune»
23-02-2019 – Par RFI

Au niveau provincial, le président a remplacé tous les gouverneurs par des militaires.

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