A Madagascar, ce 16 février, le public de l’Institut français à Antananarivo a assisté à un événement tellement rare qu’il peut être souligné. L’artiste plasticien Joël Andrianomearisoa, qui représentera son pays à la Biennale de Venise en mai prochain, s’est livré à un exercice périlleux : raconter l’histoire de ses œuvres et son processus de création.
La renommée de Joël Andrianomearisoa est mondiale. L'artiste malgache expose régulièrement sur les cinq continents. Avec beaucoup d’humilité, il a dévoilé une partie de son âme créatrice devant le public de l'Institut français d'Antananarivo ce 16 février, un jeu qu’il estime aujourd’hui nécessaire.
« Il y a le travail matériel, la forme, explique-t-il. Mais il est devenu extrêmement important pour un artiste de défendre son travail par la parole, et la posture, qui fait partie aussi intégrante de l’œuvre. Raconter le processus de création : pourquoi ? Comment ? Sans forcément donner une finalité puisque l’art n’a pas forcément une finalité ».
Des oeuvres qui ne parlent plus « d'elles-mêmes »
Pendant presque un siècle d’histoire de l’art, les artistes ont affirmé qu’il fallait éviter la narration de l’art, sous prétexte que les œuvres devaient « parler d’elles-mêmes ». L’artiste malgache a décidé de casser cette règle en expliquant une trentaine de ses installations majeures de la dernière décennie.
Comme il l'explique, il a développé son oeuvre autour de ses émotions. « C’est ce défi qui m’intéresse, poursuit-il. Comment à partir d’un élément abstrait, d’un élément qui n’existe pas et qui est très intérieur finalement, pouvoir le matérialiser. C’est toute cette recherche qui m’intéresse, parce que ça fait appel à une recherche de l’espace dans lequel on va travailler, et il faut une recherche de matière en soi, la justesse de la matière ».
« La justesse est toujours extrêmement complexe, face à soi-même, face au contexte, face au public, face aussi aux références de temps en temps et moi, c’est ce qui m’anime le plus, ajoute-t-il. C’est de pouvoir coudre et d’en découdre de temps en temps, de pouvoir filer, tisser, tendre des choses ».
Dans la salle, le public est conquis, à l’instar de Daniella. « Moi, j’ai une hantise de l’abstrait, d’une certaine façon, explique-t-elle. J’aime pouvoir comprendre l’art. C’est à l’artiste de construire le pont entre nous et l’art, pour qu’on puisse appréhender son œuvre. Parce qu’au final, je pense que notre compréhension ne suffit pas. Et du coup, maintenant, je me sens plus en connexion avec son œuvre, et je comprends où il veut en venir. Aujourd’hui, il a construit un pont avec le public, vraiment »
L’artiste affirme que « le déclic se fait au détour de l’émotion ». Mission visiblement accomplie, donc, pour le plasticien malgache.