Sur le lac Édouard, à la frontière entre la RDC et l’Ouganda, la tension reste vive. À Kasindi Port, les pêcheurs congolais accusent la marine ougandaise de multiplier les incursions dans les eaux congolaises, entraînant arrestations et confiscations d’équipements. Cette situation, aux allures de conflit frontalier latent, menace la sécurité et la survie économique des communautés riveraines.
La tension persiste sur les eaux du lac Édouard, à la frontière entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda. À Kasindi Port, localité riveraine du territoire de Beni dans le Nord-Kivu, la population accuse la marine ougandaise de multiplier les menaces et les incursions dans les eaux congolaises, perturbant gravement les activités de pêche, principale source de revenus de la communauté locale.
Selon plusieurs pêcheurs interrogés, les patrouilles de l’armée ougandaise (UPDF) se sont intensifiées ces derniers mois, allant parfois jusqu’à opérer dans les eaux relevant de la souveraineté congolaise. « Nous ne pêchons plus convenablement à cause des patrouilles ougandaises. La marine ougandaise nous menace même dans les eaux de la RDC », témoigne Madilo Kambale Kabuulo, vice-président du comité des pêcheurs individuels de Kasindi Port.
La société civile locale tire également la sonnette d’alarme. Pour Josué Kombi Kanduki, premier vice-président de la société civile, forces vives de Kasindi Port, les accusations portées par la marine ougandaise contre les pêcheurs congolais sont infondées. « La force marine de l’Ouganda nous menace chaque jour. Ils disent que nous dépassons la limite frontalière, mais sur le terrain, nous constatons que ce sont eux qui ne respectent pas la frontière », déclare-t-il.
Les pêcheurs dénoncent la confiscation régulière de leurs équipements de travail, notamment les pirogues, les moteurs hors-bords, les filets et les timbres de pêche. Certains affirment avoir été détenus pendant plusieurs jours en Ouganda avant d’être relâchés, souvent sans récupération de leurs biens.
La crise de la pêche plonge Kasindi Port dans la pauvreté
Cette situation a de lourdes conséquences socio-économiques pour la population de Kasindi Port. La pêche constitue l’activité principale de la majorité des ménages de cette zone lacustre. La réduction des activités de pêche entraîne une baisse significative des revenus, accentuant la pauvreté et l’insécurité alimentaire au sein de la communauté.
« Nous n’avons plus la paix ni la sécurité. Chaque jour, nos pêcheurs sont arrêtés. À l’heure où je vous parle, plusieurs de nos équipements de pêche sont toujours détenus en Ouganda », déplore Pitula Kayingo Mukalalile, pêcheur rencontré sur les rives du lac Édouard.
Face à cette situation, les pêcheurs et les forces vives locales appellent les autorités congolaises à s’impliquer davantage afin de protéger les pêcheurs et de faire respecter les limites frontalières sur le lac Édouard. Ils plaident également pour un dialogue bilatéral entre la RDC et l’Ouganda afin de prévenir les incidents récurrents et de garantir une exploitation pacifique et équitable des ressources halieutiques du lac.
En attendant une solution durable, la population de Kasindi Port continue de vivre dans l’incertitude, redoutant chaque sortie de pêche sur un lac qui, autrefois source de vie, est devenu un espace de tension et de peur.
Des engagements bilatéraux pris lors du Forum de Connexion Commerciale Ouganda-RDC
La sécurité sur le lac Édouard faisait partie des principales thématiques abordées lors du Forum de Connexion Commerciale Ouganda–RDC, tenu à Butembo, une ville située au nord-est du Nord-Kivu.
Selon le communiqué final adopté par les participants, la République démocratique du Congo et l’Ouganda se sont engagés à renforcer la collaboration bilatérale sur la sécurité des pêcheurs sur le lac Édouard, avec pour objectif de prévenir les incidents récurrents, protéger les communautés riveraines et garantir une exploitation pacifique des ressources halieutiques communes.
Cet engagement est perçu par les pêcheurs de Kasindi Port comme un signal encourageant. Cependant, ils insistent sur la nécessité d’une mise en œuvre rapide et concrète de ces résolutions, pour que la situation sur le lac ne devienne pas un terrain de tensions permanentes.
Le Lac Édouard, situé à la frontière entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda dans la vallée du Grand Rift, couvre environ 2 300 km², dont environ 71 % en RDC et 29 % en Ouganda, à 912 mètres d’altitude. Il reçoit plusieurs rivières et se déverse dans le lac Albert, tout en étant relié au lac George par le canal de Kazinga. La région est riche en biodiversité, avec des hippopotames, crocodiles, poissons endémiques et oiseaux migrateurs, et fait partie des parcs nationaux Virunga et Queen Elizabeth.

