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RDC-Beni: De l’insécurité à la fête, la renaissance du cacao à Bulongo

La récolte du cacao crée une ambiance festive à Bulongo, dans le Rwenzori, avec des revenus importants pour les habitants grâce à la vente de la précieuse fève. Après des années d’insécurité empêchant la population d’accéder à leurs champs, la situation s’améliore grâce aux opérations militaires, et les habitants de Bulongo fêtent désormais leurs récoltes de cacao.

À Bulongo, dans le secteur de Rwenzori, à Beni, dans l’est de la République Démocratique du Congo, l’atmosphère est festive ! La musique résonne partout, les pommes de terre frites, les brochettes de porc grillées et les poissons frais se trouvent à chaque coin de rue, et les cafétérias restent ouvertes jusque tard dans la nuit. Même les rues boueuses et l’obscurité causée par l’absence d’électricité n’empêchent pas les habitants de célébrer.

Dans cette commune, qui compte environ cinquante mille habitants et se situe à 39 kilomètres de la frontière ougandaise, c’est la période de la récolte du cacao. Ici, la monnaie congolaise circule en grande quantité.

« Buvez, buvez encore. Huit bouteilles de Castel pour un kilogramme de cacao ne valent rien. Nous serions déjà tous morts », plaisante un cultivateur de cacao, installé dans un coin sombre d’une cafétéria.

Lui et d’autres agriculteurs de cacao se retrouvent dans les bistrots de la ville après avoir vendu leur récolte aux acheteurs privés et aux sociétés d’exportation pour les pays voisins. Ils se partagent un verre et se libèrent d’une longue journée de travail.

Le cacao, cette graine précieuse pour ses propriétés cosmétiques, alimentaires et médicinales, est devenu ici un véritable trésor. « Actuellement, un kilogramme de cacao se négocie entre 18 000 et 20 000 francs congolais, soit environ 6,5 dollars américains. Pourquoi ne pas en profiter ? », nous lance Kambale Saidi, le gérant d’un dépôt d’achat de cacao que nous avons rencontré.

Cela faisait plus d’une décennie que la région de Bulongo était confrontée à des problèmes d’insécurité, ce qui avait un impact sur les activités agricoles. Grâce aux opérations conjointes des FARDC et des UPDF à l’est du pays contre les groupes armés depuis le 30 novembre 2021, la paix revient petit à petit dans plusieurs localités, y compris dans les régions où l’on cultive le cacao en grande quantité.

« Que ce soit à Halungupa, Nzenga, Lume ou même ici à Bulongo, nous pouvons désormais accéder librement à nos champs », se réjouit Anuarite Kahambu, une agricultrice que nous avons rencontrée dans un centre d’achat de cacao.

La quête d’une gestion éclairée

Le cacao représente la principale activité génératrice de revenus pour de nombreux habitants de la commune rurale de Bulongo. Avec quatre hectares et demi de cacaoyers et dix ans d’expérience dans la culture du cacao, Hilaire Murtsando réalise des exploits pour sa famille grâce aux revenus tirés du cacao.

« Personnellement, grâce au cacao, j’ai acquis trois motos et une maison. Je finance les soins de toute ma famille, la scolarité de mes enfants et je garantis la restauration de la famille », explique-t-il.

Cependant, lors de nos échanges avec les habitants de la région, un besoin d’assistance en éducation financière se fait sentir afin d’aider la population à gérer de manière éclairée ses revenus.

« Qu’on nous envoie une microfinance pour nous accompagner. Nous avons beaucoup d’argent, mais la plupart d’entre nous le gaspillent en alcool et en fréquentations de prostituées. Nous avons besoin d’un encadrement et de formations en éducation financière pour une bonne gestion de nos revenus », déplorent M. Murtsando et ses compagnons.

Une réglementation pour sécuriser les récoltes

Afin de lutter contre les vols dans les champs des agriculteurs, le Gouverneur de la province du Nord-Kivu a pris un arrêté réglementant l’accès aux plantations.

« Ce n’est pas n’importe qui qui doit désormais commercialiser le cacao. Seuls les planteurs bien identifiés et les sites certifiés sont autorisés à le faire », avait rapporté le 22 septembre l’Agence Congolaise de Presse, citant un communiqué signé par Léon Kakule Siviwe, chef de secteur de Beni-Mbau, qui relayait un arrêté pris par le gouverneur militaire du Nord-Kivu. En plus de la carte de planteur, la récolte doit désormais se faire uniquement entre le 12 et le 17 de chaque mois.

 Cependant, cette mesure ne semble pas dissuader les voleurs, qui continuent de piller et d’extorquer.

« Autrefois, seuls des bandits armés des groupes Imana et Sangabalende s’attaquaient à nos champs. Aujourd’hui, même des militaires de notre propre armée pénètrent la nuit dans nos plantations. Ils profitent de notre absence pour vendre ces fèves de cacao humides. Malheureusement, ce sont encore nous, les acheteurs, qui en subissons les conséquences », déplore un membre anonyme de l’Union des Négociants des Produits Agricoles du Congo.

Lire : Nord-Kivu et Ituri : les exportations du café et cacao ont baissé de 60 % en 5 mois

Il affirme également que certains voleurs agissent en complicité avec des membres des forces armées et de la police dans le vol de cacao. Après enquête, les acheteurs identifiés comme receleurs sont condamnés à de lourdes amendes et à la saisie de la marchandise supposée volée.

« Cette situation nous pousse à nous unir au sein d’une association pour être plus forts ensemble. C’est risqué, mais nous devons défendre nos droits », explique M. P. Kamangura, président d’une association de planteurs de cacao du Nord-Kivu et de l’Ituri.

Les classements de l’Office National des Produits Agricoles du Congo (ONAPAC) placent en tête le cacao parmi les produits agricoles les plus exportés dans les provinces du Nord-Kivu et d’Ituri. Il est suivi par le café, la banane, la vanille et l’huile de palme.

Benjamin Sivanzire
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