Dans cette affaire, où 20 personnes sont accusées de complot dans le but de renverser le régime et d’assassiner cinq personnalités dont le président de la République, les auditions des accusés se finissent. Au sixième jour du procès à Madagascar, à la barre lundi, l’associé des deux Français présentés comme les présumés cerveaux du complot. Et cinq généraux, accusés des mêmes intentions. Mais plus les jours passent, plus les preuves à charge paraissent étonnamment ténues.
avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
« Jamais je ne me suis associé avec de malfaisants malfaiteurs, jamais je n’aurais déstabilisé qui que ce soit ! » clame en français, Aina Razafindrakoto, attaché de direction à la Banque centrale et partenaire de mésaventure des deux Français.
Pour son avocat, Maître Mamy Radilofe, « il est inculpé parce qu’il est l’ami et l’associé de Paul (Rafanoharana, NDLR). Et parce qu’il répond à chaque message » ok impeccable « . »
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Après une matinée à écouter l’administrateur de Tsara First, l’entreprise d’achat d’or créée il y a tout juste un an, c’est au tour des cinq généraux de l’armée d’être entendus et de nier en bloc. Leurs noms ont été retrouvés dans des courriers échangés entre un proche de Paul Rafanoharana (le franco-malgache), le général Victor Ramahatra et une conseillère de la Présidence.
A l’instar du client de Maître Nicole Rasoarison, le général Ferdinand Razakarimanana : « C’est le général Ramahatra qui a établi une liste avec différents candidats pressentis au poste de ministre de la Défense. Voilà, c’est tout. C’est son seul tort. Or ce n’est pas mon client qui a pris l’initiative d’ajouter son nom dans la liste. Mais c’est une initiative unilatérale du général Ramahatra. Ça provient d’une demande de Mme Michou, du service de la Présidence. Et cette Mme Michou n’est pas au procès ! »
Il manque des pièces au puzzle
De grands absents, au procès, il y en a plusieurs. Différents avocats, comme maître Arlette Rafanomadio, dénoncent des traitements particuliers réservés aux proches de la présidence, alors que leurs noms reviennent pourtant systématiquement aux audiences.
« Les pièces du puzzle ne sont pas complètes. Où est cette « Mme F » (l’intermédiaire qui a donné 900 000 millions / 200 000 euros en cash à Paul Rafanoharana et qui serait à l’origine de l’enregistrement, NDLR) ? Où est Mme Romy (celle qui a demandé au même Paul, un temps pressenti pour être premier ministre, de lui donner des noms de ministrables) ? Où est Mme Michou (qui souhaitait aussi obtenir des listes de généraux pour des postes hauts placés) ?! »
En pleine audience, l’un des avocats de Paul Rafanoharana s’emporte face à la juge : « c’est à l’accusation d’apporter les preuves et non pas à l’accusé ! C’est le principe d’un procès pénal. Quand l’accusé nie les faits, c’est au ministère public d’apporter les preuves … Et là, il n’y en a pas ! »
« Au rythme où vont les choses », confie un autre avocat, atterré, « c’est le pays entier qui risque de finir en prison pour complot … ».
En fin de journée, la parole a à nouveau été donnée à Paul Rafanoharana, « l’accusé principal » comme il se décrit. Il est à nouveau questionné sur l’enregistrement aussi inattendu qu’inaudible, dévoilé vendredi par le Parquet et dans lequel le ministère public soutient qu’il s’agit de la voix du suspect.
Son avocate, Me Rafanomadio, est mécontente.
« C’est illégal parce que la procureure générale n’est pas habilitée à prendre un huissier et constater par voie d’huissier des enregistrements sans le consentement du juge d’instruction ou des officiers de Police judiciaire. Donc cette preuve, elle est illégale. Or on ne nous a pas fourni ces preuves durant l’instruction. C’est seulement maintenant qu’elles sont montrées. Maintenant, si on veut faire expertiser l’enregistrement, on ne peut plus. On n’a plus de possibilité de recourir à une contre-expertise ! »
Paul Rafanoharana dénonce un montage. « On a été filmés nuit et jour pendant quatre mois. Nos conversations ont été enregistrées. Avec toutes ces données, c’est très facile de faire un montage qui ressemblerait à une fausse conversation. »
Le principal suspect s’imaginait un procès kafkaïen. « Mais là, c’est bien pire » se confie-t-il à la barre. « Je suis outré. On est face à un vide intersidéral de preuves à charges ! »
Les 20 accusés ont désormais tous été entendus.
Ce mardi, des témoins sont attendus à la barre et des pièces à conviction seront également montrées à tous.