Le Burundi profite moins des accords économiques qu’il signe. Sur le marché international, il n’est que client. Ses produits souffrent du manque de systèmes de certifications aux normes et standards internationaux et régionaux, lié à l’incapacité des laboratoires nationaux à analyser la qualité. Du moins, les Burundais doivent cultiver la culture de la norme, afin de profiter du commerce international.
Le 14 novembre de chaque année, le monde célèbre la journée mondiale de la normalisation. Certains pays, les plus avancés dans le commerce, ont adopté des normes et standards et les moins développés peinent à s’y conformer. En conséquence, ces derniers se retrouvent discriminés sur les marchés internationaux.
C’est évident que le commerce international se repose sur les normes. Le directeur général de la BBN exhorte les producteurs burundais à adopter une culture de normes car, ce sont elles qui garantissent la conformité du produit aux caractéristiques préétablies et rassurent la sécurité et la santé du consommateur. Elles permettent la fabrication de biens et services de qualité, compétitifs sur le marché international.
Bien qu’elles soient comme un fardeau pour les entreprises des pays les moins développés comme le Burundi, les normes permettent de lutter contre la fraude et la contrefaçon. Le consommateur se sent sur de la qualité du produit qu’il consomme. Dans le commerce international, la norme garantit une concurrence loyale entre les fournisseurs des biens et des services. “Les normes sont au cœur de l’économie moderne, du commerce international et de la mondialisation car, elles constituent un langage universel pour définir la qualité des choses”, souligne Donatien Sindayikengera, Directeur général du Bureau burundais de normalisation et de contrôle de la qualité (BBN).
La BBN invite les producteurs à s’inspirer des standards internationaux et régionaux
La BBN est membre à part entière de l’organisation internationale de normalisation (ISO), ce qui lui confère le droit d’harmoniser les standards ISO, pour les produits du Burundi, a indiqué M. Sindayikengera. Grâce à cette adhésion, les entreprises, répondant aux normes auront des facilités à avoir une certification reconnue internationalement, sous des standards de l’ISO. Le Burundi fait également partie de la commission électrotechnique internationale (CEI) et de l’Union internationale des télécommunications (UIT), ajoute le DG, relatant les efforts du Burundi pour faciliter l’accès aux normes internationales.
Au niveau continental, le Bureau burundais de normalisation et de contrôle de la qualité fait partie de “African organisation for standardisation (ARSO), avec le plein droit d’harmoniser ses standards avec ceux de l’ARSO, afin que des produits accèdent sur le marché continental. Les entreprises, qui visent un marché international, africain ou régional peuvent consulter la BBN pour s’inspirer des standards y relatifs, appelle la BBN.
Au niveau de la région, le BBN appelle les producteurs de biens et services burundais à penser la qualité de leurs services en harmonie avec les standards des communautés économiques régionales (CERs) dont le Burundi est membre, dont la COMESA, SADC, EAC, et bientôt la ZELECAF, pour ne citer que celles-ci.
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Les entreprises doivent commencer à viser plus loin
Le Burundi devrait franchir une étape décisive dans le domaine de la normalisation, indique le DG de la BBN. Il invite “ fortement” les industries et les petites et moyennes entreprises burundaises à œuvrer pour les normes nationales, régionales et internationales, afin d’obtenir des certifications.Ce sont ces normes qui vont permettre à ces entreprises d’intégrer la chaîne de valeurs mondiales, de manière à tirer les meilleurs avantages des accords commerciaux dans une stratégie d’intégration régionale et internationale, martèle Donatien Sindayikengera.
“Que tous les industriels burundais persévèrent dans le sens de l’amélioration continue de la qualité de leurs produits et services, afin de les rendre plus compétitifs sur les marchés nationaux, régionaux et internationaux par l’utilisation des techniques modernes”, appelle Firmin Bucumi, Directeur de l’assurance qualité au sein du Ministère en charge du commerce.
Comme la normalisation est liée à la sécurité personnelle de tout consommateur, Darius Ndihokubwayo, consultant indépendant en assurance qualité demande que l’Agence de développement du Burundi (ADB), avant d’agréer une entreprise, exige une certification qui montre que l’entreprise respecte les standards de la qualité. Et tout cela, pour protéger même le consommateur local car, “ produire sans certification des normes et standards, n’est que la production du poison”, cite le consultant.
En un client absolu, le Burundi profite moins de ses alliances régionales
Géographiquement, le Burundi est enclavé. Pour son désenclavement total, le Burundi fait partie de plusieurs ensembles économiques régionaux. Il est membre de la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), de l’East Africain Community (EAC), du marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA). Bref, il participe dans les conférences qui réunissent les États de la COMESA, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la CEEAC et l’EAC. Toutes ces CERs constituent un potentiel marché pour les produits Burundi, si ceux-ci répondent aux normes et standards établies par ces communautés.
Pourtant, au lieu d’en profiter, le Burundi perd. Il s’y présente comme un client absolu. Par exemple, la balance commerciale était chroniquement déficitaire de près de 1.500 millions de BIF en 2019, selon Jean-Claude CIBOGOYE, Chef de Service promotion des exportations à l’ADB, présentant l’état des lieux du commerce international du Burundi, le 30 mars 2022.Il a en outre rappelé que le fait que les exportations sont largement faibles et que par conséquent; ces dernières ne peuvent pas couvrir les besoins en importation, expose le pays à une détérioration continue de la monnaie locale. Et d’ajouter que moins d’exportations conduisent à la rareté des devises et leur renchérissement, l’inflation, la diminution du pouvoir d’achat, la détérioration du bien-être social.
Les produits phares du Burundi sur le marché international restent le thé et le café. Seuls ces deux produits agricoles burundais détiennent des certificats reconnus internationalement et se retrouvent sur des marchés européens et asiatiques.
Le gouvernement doit investir dans des laboratoires pour pouvoir analyser les normes
La BBN n’a pas d’un laboratoire certifié, pour délivrer des certifications reconnues sur le marché régional, ou international, déplore le DG de cette institution. Le pays n’a aucun laboratoire reconnu en dehors du territoire burundais. Pour délivrer des certificats harmonisés à des standards internationaux ou régionaux, la BBN apporte des échantillons dans des laboratoires étrangers, pour faire des analyses.
Au plus urgemment possible, le Burundi doit investir dans un laboratoire qui peut analyser des produits, avant de les mettre sur le marché, voit Darius Ndihokubwayo. De plus, comme le Burundi veut que ses produits se retrouvent sur des marchés régionaux, il faut que la BBN se focalise sur l’harmonisation des normes régionales, au lieu des normes locales. “ On ne peut plus inventer la houe ; elle existe déjà », renchérit-il.
Signalons que le Burundi a très peu d’industries pouvant être compétitives sur le marché mondial et régional. Le tissu industriel burundais est encore vierge. Pourtant, ses ressources industrielles et économiques, reposant sur la richesse naturelle et climatique, sont moins exploitées.
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Eric Niyoyitungira