La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) met en garde les vendeurs et les acheteurs de biens immobiliers, notamment des maisons et des parcelles, impliqués dans des litiges en cours. Cette mise en garde intervient dans un contexte où la CVR intensifie ses efforts pour clarifier les questions de propriété foncière et immobilière, tout en poursuivant sa mission principale d’enquêter sur les crimes graves commis au Burundi entre 1885 et 2008.
Dans son communiqué diffusé ce lundi 18 août 2025, la CVR appelle à la prudence face aux transactions immobilières impliquant des biens sous contentieux judiciaire. Cette initiative vise à protéger les citoyens contre des acquisitions ou des ventes susceptibles d’entraîner des complications légales, des litiges prolongés ou des tensions communautaires.
Les questions foncières, particulièrement sensibles au Burundi en raison des déplacements forcés, des spoliations et des conflits historiques, nécessitent une attention particulière pour éviter d’aggraver les fractures sociales. La CVR recommande aux parties concernées de vérifier minutieusement la situation légale des biens avant toute transaction, en collaboration avec les autorités compétentes, afin de garantir la transparence et de soutenir le processus de réconciliation nationale.
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Depuis la clôture des activités de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (CNTB) en avril 2022, la CVR a hérité de la lourde tâche de traiter environ 35 000 dossiers fonciers non résolus. Ces dossiers, qui concernent principalement des terres et des propriétés spoliées ou occupées illégalement durant les périodes de crises, représentent un défi majeur pour la CVR.
Une enquête approfondie sur les crimes historiques
Parallèlement à sa nouvelle mission foncière, la CVR continue de se pencher sur les violations graves des droits humains commises au Burundi entre 1885, date de la Conférence de Berlin marquant le début de la colonisation, et 2008, fin officielle de la guerre civile. Créée en 2014 en vertu des Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation de 2000, la CVR a pour objectif d’établir la vérité sur les massacres interethniques, les disparitions forcées et autres crimes contre l’humanité, tout en proposant des mesures de réparation et de réconciliation.
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Depuis sa mise en place, la CVR a concentré une grande partie de ses efforts sur les événements tragiques de 1972-1973, qualifiés en décembre 2021 de « génocide contre les Hutu » par son président, Pierre Claver Ndayicariye. Cette période, marquée par des massacres de grande ampleur, a vu environ 100 000 à 300 000 victimes, principalement hutues, à la suite d’une répression brutale orchestrée par le régime de Michel Micombero. La CVR a exhumé les restes de près de 20 000 victimes dans environ 200 fosses communes et recueilli les témoignages de 900 personnes pour établir les responsabilités.
Cependant, cette focalisation sur 1972-1973 a suscité des critiques. Des organisations de la société civile, comme le FOCODE et la Ligue Iteka, reprochent à la CVR de négliger d’autres périodes sombres, notamment les massacres de Tutsis en 1993, et d’être utilisée comme un outil de mobilisation ethnique par le pouvoir en place, dominé par le parti CNDD-FDD. Ces critiques mettent en lumière les défis d’une commission accusée de manquer d’indépendance et de transparence, notamment en raison de l’absence de représentants internationaux, contrairement aux recommandations initiales des Accords d’Arusha.
Alors que le Burundi continue de panser les plaies de son passé tumultueux, la CVR se trouve à un carrefour délicat. Entre la gestion des litiges fonciers, l’établissement de la vérité historique et la promotion de la réconciliation, ses actions seront scrutées par une population en quête de justice et de paix durable. La réussite de cette mission dépendra de sa capacité à surmonter les critiques d’instrumentalisation politique et à instaurer un processus véritablement inclusif et impartial.
Prosper Aobe

