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Burundi : À Giharo, les réfugiées congolaises enceintes doivent marcher plus de 5 km pour donner naissance

Les femmes enceintes du camp de Musenyi, à Giharo, à Rutana, risquent leur vie en parcourant plus de 5 km pour accoucher, faute de personnel qualifié et de salle d’accouchement dans le camp. Trois d’entre elles ont déjà perdu la vie en donnant naissance. Cette crise souligne l’urgence d’agir pour assurer des conditions d’accouchement sécurisées et dignes aux réfugiées.

Le trajet, souvent effectué à moto ou en ambulance, peut durer plus de deux heures pour atteindre le centre de santé le plus proche. Une fois renvoyées de la clinique du camp, les femmes enceintes n’ont d’autre choix que de parcourir ces 5 km pour rejoindre Nyagahara. La situation est encore plus dramatique la nuit, comme l’illustre le cas de Tulizo Sifa.

Originaire de Katogota, cette mère de trois enfants est arrivée au camp avec une grossesse à terme. Mi-avril 2025, un jeudi à minuit, elle ressent des contractions. Accompagnée de sa sœur, elle se rend à la structure sanitaire du camp, mais une infirmière lui répond : « Ici, nous ne prenons pas en charge les accouchements. » Après l’insistance de sa sœur, une ambulance est appelée, et Tulizo est transférée à Nyagahara, où elle donne naissance à un garçon vers 4 heures du matin.

Bien qu’elle ait survécu, Tulizo déplore un système qui met en danger la vie des femmes et des nouveau-nés. « J’ai eu de la chance, mais d’autres avant moi n’ont pas survécu, selon les témoignages du camp », confie-t-elle, émue.

Des accouchements à haut risque faute de soins adéquats

Certaines femmes, faute d’accès à une structure adaptée, accouchent sur place, dans leurs tentes, parfois en présence de leurs enfants ou de leur mari. C’est le cas de Léontine Sawana, qui a donné naissance à son enfant sous une tente, devant ses six autres enfants.

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Le 21 avril 2025, vers 16 heures, Léontine ressent des contractions. Seule, sans sa mère partie chercher de l’eau, elle est submergée par des douleurs intenses. « J’avais entendu parler des décès de femmes qui avaient tenté d’accoucher à la clinique du camp. J’étais terrifiée », raconte-t-elle. Quinze minutes plus tard, incapable d’attendre, elle entre dans sa tente et accouche dans l’inconscience, avant l’arrivée de sa mère.

« Beaucoup de femmes accouchent dans les tentes. À chaque fois qu’une femme enceinte se présente à la clinique mobile du camp, on lui dit qu’elle ne peut pas être reçue. Il faut attendre une ambulance ou se déplacer à moto, ce qui est extrêmement risqué. C’est comme marcher dans un couloir de la mort », déplore Léontine, qui appelle à la création d’une structure spécialisée dans le camp.

On estime que trois femmes sont déjà décédées en donnant naissance dans le camp de Musenyi, en commune de Giharo, province de Rutana. Cette situation souligne l’urgence d’une intervention pour garantir des conditions d’accouchement sûres et dignes pour ces femmes réfugiées.

La peur au ventre pour les réfugiées congolaises enceintes

La peur hante les femmes enceintes du camp de Musenyi. Elles se plaignent: « Pas de prise en charge, et pour accoucher, il faut parcourir plus de 5 km, puis payer 30 000 francs burundais pour les soins à Nyagahara. C’est trop cher pour des réfugiés, et le trajet est épuisant », s’indigne Asifiwe Fifi, une femme enceinte.

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« Pour les vaccins, c’est déjà loin, il faut faire 5 km, c’est épuisant. Oui, les vaccins sont gratuits, mais pour l’accouchement, on exige 30 000 francs. De plus, il faut connaître le jour exact des vaccinations, sinon on peut être renvoyé sans être vacciné. Récemment, sur trois d’entre nous, seule moi ai été vaccinée. Les autres sont reparties sans rien. Je suis angoissée à l’idée de savoir où je vais accoucher », confie cette réfugiée congolaise.

Les humanitaires présents à Musenyi confirment la gravité de la situation, tout en précisant qu’elle était encore plus alarmante avant leur intervention. Le Dr Parfait Baluge, de la Global Development Community Burundi, souligne le manque criant de personnel qualifié en gynécologie-obstétrique. « Avant notre arrivée, la situation était catastrophique. Le centre de santé local gérait tous les cas avec un personnel insuffisant et peu formé pour les urgences obstétriques », explique-t-il.

Pour réduire les risques de mortalité maternelle, le Dr Baluge insiste sur l’importance des consultations prénatales régulières. « La grossesse est une période cruciale. Les femmes doivent consulter régulièrement pour des examens, y compris des échographies, afin de prévenir les complications ou les fausses couches », recommande-t-il.

Les humanitaires sensibilisent également les femmes lors des séances de conseil en santé communautaire, les encourageant à surveiller leur grossesse pour diagnostiquer à temps toute pathologie.

Face à la crise sanitaire dans les camps, une délégation Congolaise en soutien au Burundi

Dans le cadre de la réponse à la crise sanitaire affectant les camps de réfugiés au Burundi, le Parlement congolais a déployé, depuis avril 2025, une délégation de médecins parlementaires pour offrir des consultations et des soins gratuits aux populations déplacées. Dirigée par le professeur Léon Kabamba, cette initiative humanitaire vise à apporter un soutien médical urgent aux familles ayant fui les violences dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), où l’armée nationale affronte les rebelles du M23, soutenus par les forces rwandaises.

Composée de cinq médecins parlementaires et de deux élus issus de circonscriptions proches des zones de déplacement, la délégation s’est engagée à répondre aux besoins sanitaires les plus pressants. Sa mission inclut la distribution de médicaments essentiels, la prise en charge des maladies courantes et la sensibilisation aux bonnes pratiques d’hygiène pour prévenir les épidémies. Sur le terrain, les médecins ont constaté une prévalence alarmante de maladies telles que le paludisme, la rougeole et le choléra, exacerbées par des conditions de vie précaires.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Burundi accueille actuellement plus de 170 000 réfugiés congolais, répartis dans cinq camps à travers le pays. Ce chiffre comprend 100 000 personnes enregistrées avant 2024 et plus de 70 000 nouveaux arrivants, fuyant l’escalade récente des violences.

Les premières enquêtes sanitaires dressent un tableau préoccupant : environ 10 % des réfugiés, hommes et femmes, déclarent avoir été victimes de violences sexuelles, un fléau persistant dans les zones de conflit. Par ailleurs, environ 60 cas de troubles psychologiques, liés aux traumatismes de la guerre et aux conditions difficiles dans les camps, ont été recensés, un chiffre probablement sous-estimé en raison des stigmas entourant la santé mentale.

Freddy Bin Sengi

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