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Les puissances occidentales doivent-elles s’acquitter d’une dette coloniale ?

Le « bras de fer » entre la Namibie et l’Allemagne relance le débat sur la responsabilité historique des puissances coloniales en Afrique.

La Namibie refuse l’offre allemande pour la réparation d’un génocide relançant le débat sur la responsabilité historique des puissances coloniales en Afrique.

Le président namibien Hage Geingob a déclaré que l’offre de réparation faite par l’Allemagne pour les massacres commis dans sa colonie d’alors était « inacceptable ».

Les troupes allemandes ont tué des dizaines de milliers de Herero et de Nama entre 1904 et 1908 en réponse à un soulèvement anticolonial.

On pense que 75% de la population Herero et la moitié de la population Nama sont morts.

Les deux pays ont entamé des négociations sur les réparations en 2015 et ont tenu jusqu’à présent huit cycles de pourparlers.

Le président Geingob a été informé mardi des négociations par l’équipe des négociateurs namibiens dirigée par l’envoyé spécial Zed Ngavirue.

« L’offre actuelle de réparation faite par le gouvernement allemand reste une question en suspens et n’est pas acceptable pour le gouvernement namibien », a déclaré le président dans un communiqué.

Aucun détail de l’offre n’a été donné.

L’Allemagne a accepté de s’excuser en principe mais refuse d’accepter le terme « réparations », alors que la Namibie trouve la terminologie « panser les plaies » inadéquate, a ajouté la déclaration.

Excuses et réparations sur les questions coloniales

La Namibie n’est pas le seul pays africain à être en conflit avec son ancienne puissance colonisatrice sur des questions historiques qui fâchent.

Génocides pour certains, massacres pour d’autres, abus du travail forcé…certains africains demandent excuses et réparations pour les affres subis par leurs pères dans le passé.

C’est le cas au Kenya où les victimes de torture de Mau Mau ont reçu excuses et indemnisation.

Les Kenyans torturés par les forces coloniales britanniques lors du soulèvement des Mau Mau ont reçu des indemnités s’élevant à 26 millions de dollar (20 millions de livres sterling).

William Hague, ministre des affaires étrangères britannique au moment de cette indemnisation a déclaré que le gouvernement britannique a reconnu que les Kenyans ont été torturés et qu’il « regrette sincèrement » les abus qui ont eu lieu.

Le 30 août 2008, après des décennies de négociations, l’Italie et la Libye parviennent à un accord similaire.

Le Premier ministre italian, Silvio Berlusconi, rencontre le Leader de la Révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, à Benghazi où ils signent un traité de coopération assez particulier.

Dans ce document, l’Italie s’engage ainsi à payer dans les prochains vingt ans cinq milliards de dollars d’indemnisations à la Libye pour le passé colonial.

Pour sceller ce nouveau départ entre les deux pays, l’Italie a rendu à la Libye la statue de la Vénus de Cyrène.

Mais tous les pays africains et les populations meurtries n’ont pas eu un dialogue aussi fructueux qui se solde par des réparations.

La République démocratique du Congo (RDC), ancien Congo Belge, dont l’histoire a été marquée par la brutalité du système colonial et d’exploitation imposé par le Roi Léopold II a mis du temps avant de voir la Belgique parler de « regret ».

Dans une lettre adressée au président de la RDC Félix Tshisekedi, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, l’actuel roi de Belgique (Philippe) a écrit :

« Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés ».

Des regrets mais pas d’excuses encore moins de pardon ou même l’évocation d’une possible réparation dans un pays où l’administration Belge pratiquait l’amputation.

A Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, le président français Emmanuel Macron reconnaît « les crimes de la colonisation ».

« Il y a eu des fautes et des crimes, des grandes choses et des histoires heureuses », mais « les crimes de la colonisation européenne sont incontestables », a-t-il déclaré.

C’est « un passé qui doit passer », a-t-il ajouté sans jamais parler d’excuses, de pardon ou de réparation.

La question de la réparation et de la dette coloniale autour de génocides, massacres et traitement inhumain divise en Afrique.

Elle attise aussi des hostilités autour de la présence en Afrique de pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie et la Grande Bretagne.

Certains chercheurs et historiens estiment que l’Afrique doit se montrer digne et ne pas tendre la main sous une autre forme.

D’autres par contre estiment que si certains peuples à travers le monde ont reçu réparation pour les torts subis, il n’y a pas de raison pour qu’il n’en soit pas autant pour l’Afrique.

Des deux positions pourtant découle une autre préoccupation, peut-on et doit-on faire payer aux générations présentes en occident les erreurs de leurs ancêtres ?

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