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Coronavirus: ‘j’ai perdu ma maman le jour de la fête des mères’

Dans les semaines qui ont précédé la fête des mères, Aya, 33 ans (ce n’est pas son vrai nom), était préoccupée à chercher un cadeau pour sa mère. Elle ne s’attendait pas à assister à son enterrement a la place.

La mère d’Aya a été parmi les 10 premiers décès du coronavirus en Égypte.

Bien que l’Égypte ait annoncé la présence de Covid-19 à la mi-février, ce n’est qu’à partir de la première semaine de mars que le pays a commencé à enregistrer régulièrement de nouveaux cas.

Jusqu’à présent, plus de 2 000 personnes en Égypte ont été infectées et au moins 160 sont mortes de la maladie.

‘Je voudrais t’embrasser mais je ne peux pas’

Même si la santé de sa mère n’était pas bonne depuis une semaine, Aya n’a jamais pensé que ce serait la fin.

Elle se souvient de s’être effondrée en apprenant la nouvelle.

« J’ai dit à mon frère qu’il mentait. Il m’avait dit un peu plus tôt qu’elle allait mieux », précise Aya.

« Nous espérions qu’elle serait de retour à la maison à temps pour son anniversaire en avril, puisqu’elle avait été admise à l’hôpital quelques jours avant la fête des mères. Nous allions combiner les deux célébrations. »

La mère d’Aya a été emmenée dans un hôpital de quarantaine du district de Helwan, au sud du Caire, un jour avant sa mort après avoir été testée positif au Covid-19.

Cette femme de 69 ans était dans un hôpital privé depuis le lundi précèdent, et lorsqu’elle a été testée pour le coronavirus, le test était négatif.

Les médecins ont refait le test quelques jours plus tard, a déclaré Aya.

« La dernière fois que je lui ai parlé, c’était mardi … J’étais avec mon père car il avait une intervention coronarienne d’endoprothèse ce dimanche-là. »

Ne pas pouvoir dire au revoir n’était pas la seule épreuve qu’Aya devrait surmonter.

Le jour où la mère d’Aya est morte, toutes les prières et sermons ont été suspendus dans le pays.

Toutes les mosquées ont également été fermées.

Ainsi, Aya s’est retrouvée forcée d’exécuter les prières funéraires à l’intérieur de la morgue de l’hôpital.

Les procédures administratives permettant la sortie du corps de l’hôpital sont longues, sa mère a donc été enterrée en pleine nuit, dit-elle.

« Très peu de membres de la famille sont venus. Nous portions tous des masques et des gants. Ma belle-sœur m’a tenu la main et a murmuré : « Je voudrais t’embrasser mais je ne peux pas ». La belle-mère de mon frère était anéantie. Mais aucun de nous n’a pu réconforter l’autre.  »

« Mon père ne pouvait pas non plus dire au revoir à maman. Il a assisté à l’enterrement mais il ne l’avait pas vue depuis une semaine ».

Après la mort de sa mère, le père d’Aya a été admis dans le même hôpital de quarantaine, car il avait testé positif au Covid-19.

« Après son départ, j’ai craqué. Je me suis mise à sangloter par terre », dit-elle.

Son père a guéri et puis il est rentré chez lui le week-end dernier.

Bien que ni Aya ni son frère n’aient été testés positifs, ils ont tous deux dû rester confinés.

« En tant que famille, nous ne pouvions même pas être là l’un pour l’autre. »

‘Ma mère est une martyre’

Ayant compris les difficultés auxquels sont confrontées ceux qui ont perdu des êtres chers, Rana Sameeh a créé un groupe WhatsApp dans le but de faire circuler les noms de ceux qui sont morts afin que les gens puissent prier pour eux.

Rana, un ingénieur de 31 ans, recueille ces noms dans les publications sur les réseaux sociaux. De plus, certains de ceux qui ont perdu des êtres chers lui ont demandé d’inclure le nom de leur parent décédé dans la liste du groupe.

« Les mosquées sont fermées mais les gens n’arrêtent pas de mourir. Les prières funéraires sont très importantes pour nous », explique Rana.

Il y a plus d’un Hadith (paroles attribuées au Prophète Muhammad) qui parlent de la valeur d’avoir un grand nombre de personnes participant à la prière funéraire.

Le groupe WhatsApp de Rana a été créé le 24 mars et en quelques jours, il a atteint le nombre maximum de membres autorisé par l’application : 256.

Copyright de l’image Ismail Moneer

Un groupe similaire a été créé sur Facebook.

Ramy Saad a mis en place « Salat al-Ghaib », qui se traduit par « prière funéraire absente », après avoir vu une photo d’un petit groupe de personnes priant dans la rue devant un cercueil.

Habituellement, beaucoup de gens participaient à de telles prières.

« C’était une scène très triste. J’ai donc décidé de faire quelque chose », raconte Ramy, un entrepreneur de 30 ans.

Le groupe a également été créé le 24 mars et a attiré plus de 4 000 abonnés en seulement 10 jours.

Aya est persuadé que les groupes virtuels ont contribué par intéresser plus de gens à prier pour les êtres chers perdus, mais ils sont devenus bien plus que cela.

« J’ai reçu de nombreux messages de condoléances de personnes que je ne connais pas quand ils ont appris la mort de ma mère sur Facebook … un camarade de quatrième année m’a même appelé pour me présenter ses condoléances et celles de sa mère. Je ne me souvenais pas de lui au début. »

Ce soutien, dit Aya, l’a aidée à surmonter son chagrin.

« Cette épreuve fait de ma mère une martyre. Je crois en cela et cela me donne de la force, que je ne savais pas que j’avais en moi. Si elle était morte dans des circonstances normales, je me serais complètement effondrée. »

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