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Pourquoi les éléphants et les diamants décideront du vainqueur des élections ?

Le Botswana organisera des élections générales le 23 octobre et, dans le cadre d’un débat de la BBC qui s’est tenu à Gaborone, les diamants et les éléphants pourraient jouer un rôle important dans le choix des gagnants.

Le Parti démocratique (BDP) au pouvoir a remporté toutes les élections au Botswana depuis l’indépendance en 1966, mais cette année, il y a une réelle chance que cela change.

Trois des partis d’opposition ont fait une coalition pour le changement démocratique (UDC).

Ils ont rédigé un manifeste qui promet la création 100.000 emplois dans un pays où plus de 20% de la population est au chômage.

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Le vice-président de l’UDC, Dumelang Saleshando, a déclaré au débat de la BBC qu’il s’agit d’une économie qui a exclu ses citoyens ».

« Si vous allez dans la construction, c’est un secteur dominé par les Chinois. Si vous allez dans le commerce de détail, c’est encore dominé par l’Asie… Il n’y a pas une seule industrie dans ce pays dominée par le Botswana, sauf le secteur informel »a t-il indiqué.

Un pays bâti sur les diamants

Le Botswana est souvent considéré comme une « success story » africaine. Son indépendance a été obtenue sans effusion de sang comme certains de ses voisins.

Le pays n’a jamais connu de guerre civile et ses élections ne sont généralement pas entachées de violences.

Une partie de cette « chance » du Botswana est due à ses diamants.

Bien que la Russie produise plus de diamants dans l’ensemble, quatre mines dans cet État d’Afrique australe produisent la plus grande quantité de pierres précieuses de haute qualité au monde.

Le Botswana partage sa participation dans l’industrie à parts égales avec De Beers, qui se décrit comme « la première société de diamants au monde ».

Cet accord a rapporté 3,5 milliards de dollars US de recettes publiques l’an dernier, et ce commerce représente jusqu’à 40% de l’économie du pays.

L’argent a permis de construire des routes, des écoles et des hôpitaux. Mais après plus de 50 ans, de nombreuses personnes ont commencé à penser qu’elles devraient profiter davantage de cette manne.

Cette année, des rumeurs de corruption ont contribué à accroître le scepticisme à l’égard de cette relation entre l’Etat et l’entreprise qui exploite les diamants.

Le partenariat avec De Beers doit être renouvelé en 2020 et est devenu un enjeu électoral important.

Les perspectives d’un meilleur accord ont été la première question posée lors du débat de la BBC.

Le ministre des Transports et des Communications, Dorcas Makgato, a défendu l’approche du gouvernement actuel dans les négociations.

« Les diamants pour nous, c’est notre avenir. Nous sommes le plus grand producteur de diamants au monde et il serait suicidaire de ne pas traiter cette ressource avec le respect et l’amour qu’elle mérite ».

Les négociations devaient rester secrètes, car le gouvernement ne pouvait pas trahir le contenu des accords, a-t-elle dit.

Mais M. Saleshando, le vice-président de l’UDC n’est pas d’accord.

« 95% des gens ici n’ont jamais vu un diamant de leurs propres yeux. La vérité, c’est que des emplois bien rémunérés sont créés dans des pays étrangers grâce aux diamants du Botswana. Nous restons juste des creuseurs, nous creusons juste les trous ».

Malgré ou à cause de ses richesses en diamants, le Botswana a l’un des taux d’inégalité de revenu les plus élevés au monde, selon la Banque mondiale, et sa population commence à se demander pourquoi.

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Le Botswana veut rester le 2ème producteur de diamant

Les forces en présence dans un système parlementaire :

  • BDP – a remporté toutes les élections depuis l’indépendance, dirigé par Mokgweetsi Masisi
  • UDC – coalition formée en 2012, dirigée par Duma Boko
  • BPF – fondée par l’ancien président Ian Khama, dirigée par Biggie Butale
  • Les électeurs élisent 57 membres de l’Assemblée nationale et 490 représentants des administrations locales.
  • Le président est élu par l’Assemblée nationale pour un mandat de cinq ans.
  • Le chef du parti politique ayant le plus grand nombre de sièges au parlement devient généralement président.

L’éléphant barrit dans l’arène politique

Le Botswana doit être le seul pays au monde où les éléphants sont un enjeu électoral majeur.

Avec une petite population humaine et le plus grand troupeau d’éléphants d’Afrique, le conflit homme-animal est une préoccupation quotidienne.

Sous l’ancien président Ian Khama, le Botswana est devenu un modèle de conservation de l’espèce menacée et/ou en voie d’extension dans plusieurs pays d’Afrique.

Son gouvernement a été salué dans le monde entier pour avoir appliqué des mesures efficaces de lutte contre le braconnage, pour avoir interdit la chasse et pour avoir fait de ce pays le plus grand sanctuaire d’éléphants d’Afrique.

Les éléphants sont intelligents et certains ont peut-être migré au Botswana pour profiter des bonnes conditions. Mais cela a eu un prix.

Avec un troupeau national d’environ 140.000 éléphants, la population de ces pachydermes est devenue trop nombreuse avec un impact sur l’environnement.

Des cas de personnes piétinées à mort et des récoltes entières détruites en un jour ont été signalés.

Le gouvernement résiste de plus en plus à ce que des étrangers bien intentionnés lui disent quoi faire sur le sujet.

Le président Mokgweetsi Masisi semble moins préoccupé par ce que pense la communauté internationale que son prédécesseur.

Il a suggéré que les Britanniques pourraient essayer de vivre avec les éléphants du Botswana s’ils les aimaient tant.

Défiant son prédécesseur encore puissant, le nouveau président a levé son interdiction de la chasse au trophée.

Cela a suscité une certaine controverse, mais on aurait dit que c’était une décision très populaire lorsque la BBC a revueilli les avis des populations dans les rues de Gaborone.

« Il y a un conflit entre les éléphants et les êtres humains et ils tuent des gens. Je pense donc que tuer des éléphants est une bonne idée », dit Albert Lebala, un habitant de la capitale.

Keorapetse Mpolokang est d’accord : « Ils font beaucoup de dégâts aux cultures, surtout pendant la saison des labours. »

Alors qu’une jeune femme se faisait l’écho de la position du président : « Si d’autres pays veulent exprimer leur opinion sur la levée de l’interdiction de la chasse, ils devraient d’abord venir dans notre pays et regarder les effets que les éléphants ont laissé sur notre peuple. »

La question des éléphants est l’une des causes du clivage entre le président Masisi et M. Khama.

Khama est le fils du père fondateur du pays et un leader culturel important dans le centre du Botswana, donc la scission du parti qu’il a fondé, le Front patriotique du Botswana (BPF) est un revirement capital.

Tshekedi Khama, son frère, a provoqué une onde de choc en démissionnant du cabinet de M. Masisi en rejoignant son frère pour combattre le BDP.

Ils ne font pas partie de l’UDC, le principal parti d’opposition, mais ils ont suggéré qu’ils pourraient travailler avec eux et les aider à accéder au pouvoir.

Bien qu’il n’y ait pas de sondage au Botswana, les commentateurs affirment qu’il y a plus de chances que jamais qu’il y ait un changement de régime à la tête du pays.

Mais le BDP est une machine à gagner des voix extrêmement efficace et n’a jamais été battu.

Les gens regardent vers l’est du Zimbabwe et savent qu’ils ont été épargnés par l’agitation que connaissent bon nombre de leurs voisins.

Il semble y avoir une bataille dans l’esprit des gens entre la confiance dans le BDP et une chance d’échapper à la stagnation et au gaspillage qui semble avoir accompagné une si longue période au pouvoir.

« Le BDP est un bon patri, mais il est dans une zone de confort. Il n’y a rien qui se passe là-bas », a déclaré Manny, propriétaire d’une petite entreprise.

Bien qu’il ait continué à avertir : « Nous avons besoin d’un changement – même si j’ai peur qu’il y ait de mauvaises conséquences si nous le faisons. »

L’UDC compte sur sa capacité à persuader les gens que, pour mûrir, leur démocratie a besoin d’un nouveau parti au pouvoir.

Mais il est compréhensible qu’en l’absence d’expérience préalable d’un autre parti au pouvoir, on craigne que tout changement ne tourne mal.

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L’éléphant ne dort en moyenne que deux heures par jour.
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