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CULTURE

Ils font rire le Cameroun!

Au Cameroun, on assiste à un regain d’intérêt pour les artistes comédiens locaux, mais malgré le coup de pouce des nouvelles technologies, des difficultés demeurent.

Palais des sports de Yaoundé, l’imprésario chauffe la salle, le public a fait le déplacement pour vivre une projection en avant-première du nouveau film « d’Edoudoua non glacé », un comédien camerounais à la réputation bien établie.

Avant la projection une dizaine d’humoristes sont sur le parquet du palais des sports recouvert par un tapis pour la circonstance.

Dans les coulisses, l’ambiance est conviviale. Les Comédiens se succèdent sur les planches.

Chemise au design africain, verre de boisson alcoolisé à la main; Nana Ardo révise ses vannes, le comédien s’apprête à rejoindre la scène,

« Tu es pauvre tu ne dois pas dire à ta femme prend tous ce que tu veux partout hein. Tu ne dois le faire que dans un begnetariat si tu es pauvre par ce que dans un begnetariat la femme ne peux paspas prendre le haricot de 1000 ça va l’étouffer mais si tu le fais dans un supermarché tu sais que c’est l’ambulance qui va te chercher moi suis pas là deh », lance-t-il.

Dans la salle d’attente VIP, les burkinabé Siriki Et Souké, Mai et Youssouf, des comédiens bien connus en Afrique francophones.

Un ancien ministre enlevé au Cameroun

Siriki de son vrai nom Fréderick Saré arrive au Cameroun pour sa troisième fois :

« J’ai connu l’humour camerounais à travers le feu Jean Michel Kankan, en 2004 j’ai été ici. J‘ai croisé des comédiens, Fingon tralala, Tage Kondom, sélavie, les Tchop Tchop, les Man no lap tous ont beaucoup travaillé ensemble. Mais celui qui m’a impressionné présentement c’est « Edoudoua non glacé » on a beaucoup travaillé ensemble, on a fait Abidjan Capitale du rire, le parlement du rire. On a beaucoup joué ensemble. En 2015, on est venu ici au festival de Kaiser Show on s’est rencontré vraiment ils ont pris soins de nous. Il nous a ditqu’il est en train de faire un scenario, il aimerait faire un long métrage avec nous. On a dit qu’il n’y a pas de problèmes, les musiciens font featuring pourquoi pas nous », indique le comédien burkinabè.

« Edoudoua non Glacé » est bien connu des téléspectateurs des séries TV camerounaises depuis le début des années 2000.

A cette époque, l’humour n’avait pas le vent en poupe au Cameroun comme c’est le cas aujourd’hui.

Il a connu le succès grâce à sa série « Coup de balai », diffusé sur une chaîne de télévision privée.

Il partageait l’affiche avec Zackougla, il a vu évoluer l’univers comique camerounais depuis ce temps-là.

« Je vois que l’humour camerounais a beaucoup évolué hein. Jean Michel Kankan avait tracé la route. Ils ont eu à faire un grand travail avec les Jimmy Biyons Essindi Mindja Otsama aujourd’hui on a une autre génération et je sens qu’après nous d’autres vont arriver par ce que la chose commence à accrocher et les gens font de ça un métier », explique l’artiste.

Le coup de pouce d’internet

Internet est venu donner un nouveau souffle à la comédie camerounaise. Les web séries se sont multiplié ces dernières années, des noms comme les Boas, Bahat girls ou encore la pionnière Pakgne.

Mais aujourd’hui, les délires de Takam avec 100 mille vue en 24 heures par épisode, est la web série la plus regardée.

Sur les lieux de tournage au quartier Biyem Assi, à Yaoundé, un portail, une habitation familiale, et enfin la fameuse chambre aligné aux coté de trois autres. A l’intérieur, un Lit, un écran plasma, un mini frigo, une penderie sur laquelle des vêtements sont jetés et un coin cuisine. Tout ce qu’il faut pour que les jeunes camerounais s’identifient au couple vedette de la série joué par Ulrich Takam et Joys Sa’ah. Malgré la pluie, ça tourne.

Ulrich Takam étudiant en master en art du spectacle à l’université de Yaoundé 1 est le principale comédien de la Web série, il est arrivé dans cet univers un peu par hasard.

Mais aujourd’hui il vit pleinement son rêve. La création est ce qu’il y a de plus compliqué quand on a conquis un public.

« Je me rappelle sans trahir un secret, quand on lançait un après-midi on s’est retrouvé avec Joys Ghisain et Martial, l’équipe qui travaille autour on a fait quatre sketch aujourd’hui ce n’est plus possible parce qu’il y a la pression, il a un public, il y a une réelle audience qui devient au quotidien plus exigeante. Il faut traiter avec beaucoup de minutie et beaucoup de délicatesse l’ensemble des sujets qu’on aborde parce que c’est plusieurs personnes qui appartiennent à plusieurs couches sociales qui nous suivent, il faut satisfaire tout le monde et satisfaire ce monde c’est un travail acharné. On ne se retrouva pas là un matin allons y le sketch est là non ! On travaille encore et encore » indique Ulrich Takam.

Les comédiens s’associent désormais aux professionnels, Ulrich Takam a requis les services de Ghislain Amougou, un réalisateur bien connu dans les milieux du cinéma au Cameroun, c’est avec lui qu’il prépare la série qui cristallise l’attention du public camerounais et africains sur YouTube tous les mercredi après-midi.

« Déjà il faut connaitre le public, il faut savoir à quel public on s’adresse. Chaque vanne est adaptée à une tranche d’âge différente parfois ou alors une classe sociale différente ou à un sexe particulier. Toutes les vannes ne sont pas à balancer pour tout le monde. On sait qu’ici on va beaucoup plus faire rire les jeunes que les adultes, ici on va beaucoup faire rire les femmes, ici on va faire rire les hommes c’est d’abord instinctif », détaille le réalisateur.

Avec le succès qu’ils ont sur internet, les comédiens se vendent cher pour des spectacles, ce qui permet aujourd’hui à certains de vivre décemment du métier.

Vivre de son art

Moustik le Karismatik est l’un des plus populaires humoriste Camerounais. Il a très vite su rentabiliser sa notoriété sur internet et attirer des marques. Aujourd’hui, il affirme vivre uniquement de ce métier.

« Quand Moustik commence il est seul, aujourd’hui Moustik’air c’est une famille de presque 10 jeunes qui chaque mois perçoivent un salaire. Et au-delà de l’humour qu’on fait je dis que je suis un artiste à temps plein, je fais le showbiz, le show nourrit les fans le biz nourrit l’artiste. On a développé autour de Moustik Karismatik beaucoup de produits dérivés, qui de manière directe ou indirecte, font vivre l’artiste. Si Moustik peux s’assoir en boite de nuit aujourd’hui s’acheter un champagne ça veut dire que ça paye. Si on peut se mettre une chaussure neuve ça veut dire que ça paye, si on peut manger décemment chez soi ça veut dire que ça paye, surtout si les enfant peuvent aller à l’école de manière normale sans que le fondateur ne dise sortez! Venez payer! Le plus gros challenge c’est réussir à montrer aux autres que ça peut être une passion mais une profession aussi », déclare le comédien.

Au Cameroun, l’univers humoristique actuel connaît un regain d’intérêt.

Il y a une nouvelle vague qui déferlent et qui montre que l’humour est en train de prendre une place prépondérante dans les cœurs des camerounais.

« C’est un peu comme le phénomène des églises du réveil. Au départ, on a des gens qui ont la lumière après on se retrouve avec beaucoup de charlatan. Dieu merci le public camerounais et de plus en plus éduqué, il sait faire la différence entre un humour de bas quartier et un humour de classe. Le marché est vaste tout le monde ne s’habille pas au supermarché il y en a qui préfèrent la friperie », raille-t-il.

Si les Humoristes sont devenus la cible privilégiée des commerciaux, se sont surtout leurs milliers de followers qui intéressent les marques, même s’ils ont du savoir-faire qui permet que le message publicitaire soit plus digeste.

Laure Gombou est commerciale dans une agence de la ville de Yaoundé. Selon elle, les comédiens intéressent les marques parce qu’ils ont une communauté qui touche toute les catégories de personnes, les moins jeunes, les jeunes et même les vieillards.

La comédie, nouveau filon

Cette embellie dans le secteur attire de plus en plus les jeunes qui veulent réussir pour ressembler à ces nouvelles stars camerounaises.

Une cinquantaine se présente à un casting organisé par le groupe les Baos, récent vainqueur du prix de la meilleur web série.

Réné Mboussi et Mathieu Aboya, Larisa Manfo Arsene Henock et Ulrich Takam qui constituent cette troupe, veulent partager leur expérience avec les jeunes.

« Le principal objectif, c’est d’avoir à donner la possibilité à ceux qui nous observent de l’extérieur de travailler avec nous de profiter de la notoriété de nos pages et d’avoir une possibilité de se faire découvrir dans le cinéma. C’est aussi dans un souci de pérenniser l’humour camerounais qu’après les Baos, il y ait une suite », explique-t-il.

Mathieu Aboya interprète Kola Sucré, un personnage sous l’effet des stupéfiants, qui dit tous ce qu’il pense, et joue les Justiciers de temps en temps.

Il avoue que ses fans ne dissocient pas le personnage des web séries de la personne, du coup il lui arrive tout le temps de rentrer dans son personnage pour faire plaisir à ses fans.

La rançon du succès

Les femmes ne sont pas en reste dans cette univers Larissa Manfo, regrette cependant qu’il subsiste encore des préjugés sur la femme qui doit pour certains préserver son image.

« On sait que les femmes sont toujours parfaites, belles bien maquillées on ne s’attend pas à les voir dans d’autres postures d’exagération comiques, qui se font laides et out ça. Au début, il y avait tous ces préjugés mais de plus en plus les gens s’y intéressent; j’ai eu plusieurs filles qui m’ont écrit sur mes différentes pages pour me dire qu’elles aimaient l’art, le cinéma qu’elles aimeraient devenir comme moi et qu’elle n’avait pas le courage, et quand elle me voit, elles ont le courage d’affronter. Je leur ai dit venez au casting. Je suis un peu déçu de voir qu’il n’y a que trois filles »,

Certaine filles comme Ornella, sœur cadette d’un comédien populaire, avoue être gêné de la façon dont les gens abordent son frère dans la rue.

« Il y a des jours ou on a juste envie d’être tranquille et de se balader avec son frère; mais ce n’est plus possible. En plus y a des gens qui l’aborde sur un ton qui m’énerve mais lui il supporte donc ça va. Et parfois je ne comprends pas ce qui se passe. Il y a quelques mois, on était tranquille mais là à son dernier anniversaire on n’a pas pu se retrouver en famille comme souvent et c’est dommage apparemment c’est ça la vie de star on fait avec », se plaint-elle.

Le succès rencontré par ces artistes sur internet cache mal les carences de certaines web séries, selon Jean Anda, un réalisateur qui pense que certains paraissent peu et que le résultat peut-être très rapidement fatigant.

« Cela pousse déjà le public camerounais à s’intéresser à l’audiovisuel, par ce que aujourd’hui le plus grand marché de l’audiovisuel au Cameroun et peut être dans le reste de l’Afrique c’est internet, les sites de vidéos en streaming. Depuis les sorties des premières web séries, les Pakgne, les Baos ont poussé les camerounais à s’intéresser à l’audiovisuel. Quelqu’un qui décide de tourner un épisode d’une web série chaque semaine et qui écrit lui-même ses propres histoires et qui produisent. C’est un problème. Je conseille à tous mes frères qui sont dans ce domaine d’essayer de travailler avec d’autres personnes qui peuvent leur donner de nouvelles idées. Sinon au bout d’une année ou deux le public va oublier par ce que le public va se lasser, le public va se rendre compte qu’il voit la même chose et c’est un gros souci », explique-t-il.

Les artistes comédiens camerounais forcent aujourd’hui le respect. Malgré quelques préjugés qui persistent, l’humour Cameroun est lancé sur voie royale.

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