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La belle histoire d’Obadele Kambon, un Afro-Américain installé au Ghana

Après avoir juré de quitter les États-Unis suite à une arrestation à caractère raciste par des policiers, l’Afro-Américain Obadele Kambon s’est installé au Ghana en 2008 et ne l’a jamais regretté.

M. Kambon s’est maintenant construit une vie prospère dans le lieu qui était jadis au cœur de la traite négrière et jouit de la liberté qui, dit-il, lui a été refusée aux États-Unis, son pays natal.

Il déclare qu’il n’était plus constamment dans la crainte que la police ne l’arrête ou, pire encore, ne tue son fils.

C’est ce qui est arrivé à Tamir Rice, 12 ans, qui a été abattu dans un parc de Cleveland (Ohio) en 2014 alors qu’il jouait avec un fusil à plomb que la police croyait réel.

« Arrêté à tort »

La mort du jeune garçon a déclenché des protestations à Cleveland et est devenue le point de départ du mouvement Black Lives Matter.

M. Kambon dit que le tournant de sa vie a eu lieu en 2007.

Il a été arrêté et jugé à Chicago – où il vivait – après avoir été accusé par des policiers d’avoir une arme à feu chargée sous son siège d’auto et d’avoir l’intention de tirer au volant.

En fait, il avait dans son coffre de voiture une arme à feu sans permis, utilisée plus tôt pour sécuriser un emplacement de camping.

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M. Kambon se souvient qu’il a été choqué par les accusations et, alors qu’il comparaissait devant un tribunal, il a juré : « Je ne me permettrai plus jamais d’être dans une juridiction où des policiers blancs corrompus et un juge me priverons de ma famille, ma femme et mes enfants sur un coup de tête ».

M. Kambon, qui était un jeune enseignant dans des écoles et des universités de la région de Chicago, a finalement été innocenté de cette accusation.

Il a ensuite économisé environ 30 000 $ et s’est installé à Accra, la capitale du Ghana, l’année suivante.

Il a été rejoint par son épouse Kala, et le couple a maintenant trois enfants : Ama, Kwaku et Akosua.

Immergé dans la spiritualité africaine

M. Kambon a commencé ses études de doctorat en linguistique à l’Université du Ghana en 2009 et enseigne maintenant à l’Institut des études africaines.

Depuis son arrivée au Ghana, il a remarqué qu’il ne se sent plus victime de profilage racial ou de violence raciale.

M. Kambon admet que tout n’est pas « rose » au Ghana.

« Vous pratiquez la spiritualité africaine et tout le monde pense que vous êtes un Rasta, la religion d’Abraham que les blancs ont introduite est dominante et il n’y a même pas un concept selon lequel les Africains peuvent avoir leur propre religion », dit-il.

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Il a également été choqué de découvrir que dans un complexe où il vivait avec quatre autres familles, les enfants ne parlaient aucune langue africaine.

Il y a eu un moment où les enfants avaient une mère Ewe et si vous les saluez en Ewe, ils vous diront :  » Oh, je ne parle pas Twi « .

« Ils ne peuvent même pas identifier leur propre langue maternelle « , ajoute-t-il.

En revanche, M. Kambon parle couramment deux langues d’Afrique de l’Ouest – l’akan et le yoruba – et maîtrise une troisième langue, le wolof.

Il possède également un certain niveau de compétence en swahili, la langue principale de l’Afrique de l’Est, et en kikongo, parlé dans certaines régions d’Afrique australe et centrale.

Une campagne contre Gandhi

Il a également essayé d’aborder l’héritage du colonialisme.

En 2018, il a mené avec succès une campagne pour forcer l’Université du Ghana à retirer une statue du leader indien de l’indépendance Mahatma Gandhi.

Debout sur le socle vide, il a salué le Black Power et appelé à la reconnaissance des héros africains plutôt qu’un homme qui avait prononcé « des mots racistes et très insultants » en référence aux Sud-Africains.

Il a affirmé que Gandhi avait dit que les Indiens étaient « infiniment supérieurs » aux Noirs.

« Si nous montrons que nous n’avons aucun respect pour nous-mêmes, que nous méprisons nos propres héros et que nous louons ceux qui n’ont aucun respect pour nous, il y a un problème « , déclare M. Kambon à la BBC.

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Bien que l’esclavage ait été pratiqué bien avant 1619, cette année est largement considérée comme le 400ème anniversaire des premiers esclaves africains arrivés aux États-Unis.

Les châteaux d’esclaves d’Elmina et de Cape Coast le long de la côte ghanéenne ont servi de plaque tournante pour le commerce transatlantique où des millions de personnes ont été capturées et chargées sur des navires, pour ne jamais rentrer chez elles.

Le Ghana s’enorgueillit depuis longtemps d’être un bastion du panafricanisme.

Son père-fondateur, Kwame Nkrumah, a déclaré l’Etat ouest-africain « La Mecque noire », et a montré un fort soutien au mouvement Back-to-Africa de Marcus Garvey dans les années 1960.

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Divers gouvernements ont poursuivi cette tradition.

Par exemple, en 2001, le gouvernement du président de l’époque, John Kufuor, a adopté la loi sur le droit de résidence, permettant aux Africains de la diaspora de s’installer au Ghana.

En 2016, M. Kambon, avec 33 autres Africains de la diaspora, a demandé au Président John Mahama de leur accorder la citoyenneté.

Dans le dernier acte qu’il a accompli après avoir perdu les élections de décembre de la même année, M. Mahama a utilisé ses pouvoirs présidentiels pour accéder à leur demande.

« Je ne vous donne rien, c’est votre droit de naissance, je ne fais que vous restituer ce qui vous revient de droit », leur avait dit M. Mahama »

Quant à ses parents, il leur est reconnaissant de l’avoir relié à ses racines africaines en l’appelant Obadele, signifiant « le roi rentre chez lui », en Yoruba.

Pour couronner le tout, une chefferie de la région orientale du Ghana lui a rendu hommage en 2017 avec le titre « Ban mu Kyidomhene », une phrase Akan pour « souverain de l’arrière-garde ».

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M. Kambon s’est engagé à poursuivre sa campagne pour que les membres de la diaspora s’installent sur le continent afin de contribuer à son développement – un message qui, espère-t-il, résonnera à un moment où le président américain Donald Trump est accusé d’alimenter le racisme et la xénophobie.

« Ce qu’il fait est en fait utile à ceux d’entre nous qui sont en faveur du rapatriement « , dit M. Kambon.

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