La nouvelle a crée la polémique dans le pays mais l’initiative était en réalité une campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexuel.
Même pas encore lancée officiellement, l’application Rouijel faisait déjà le buzz sur la toile en Tunisie.
Mais pas pour les bonnes raisons.
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Rouijel ( »petit homme »en arabe) proposait aux Tunisiennes connectées de se faire accompagner lors de leurs sorties par des hommes afin d’éviter toutes formes d’harcèlement de rue et d’agressions.
Selon les besoins des clientes, l’offre -payante- se répartissait en un éventail de trois forfaits : le forfait »Sbiya » pour 39 dinars de l’heure, le forfait »Sahara » pour 199 dinars la nuit et le forfait »Motharira » (dites pour les »femmes libérées » selon les concepteurs) pour 699 dinars mensuel.
Une réduction de 20% sur tous les forfaits était également disponible pour les femmes voilées, catégorisant les femmes selon leurs manière de s’habiller.
Selon le dirigeant de Rouijel, Ahmed Farhat, la nouvelle application a été créée par une équipe française dans le cadre du programme »French Tech » lancé en 2014 par Emmanuel Macron, alors qu’il était encore ministre de l’Économie et des Finances.
Et Ahmed Farhat n’avait pas hésité à insister sur des hommes triés sur le volet pour »garantir [le] respect de la femme », en soulignant qu’une majorité étaient des »binationaux ou des étrangers », comme pour mieux accabler l’homme tunisien.
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Harcèlement sexuel en Tunisie: entre peur et tabou
Sur Facebook et Twitter, les réactions outrées ne se sont pas fait attendre.
Beaucoup de Tunisiennes – et de Tunisiens – ont pointé du doigt la mesure comme »sexiste » et pas vraiment une solution contre le harcèlement de rue.
L’enjeu pour certaines et certains est surtout de changer les mentalités.
D’après le fondateur, Rouijel aurait déjà prouvée son »efficacité » en Irak et en Afghanistan.
Un média tunisien et quelques internautes ont sérieusement remis en question le sérieux de cette initiative.
Les concepteurs n’ont pas attendu le 28 juillet, jour du lancement de l’application, pour annoncer quelques jours avant que l’opération était bel et bien un canular.
Le but : sensibiliser l’opinion publique au harcèlement sexuel.
Derrière »le PDG Ahmed Farhat » se cachait en réalité un groupe d’étudiants âgé entre 18 et 21 ans, dont Skander Ben Aied licencié en ingénierie financière à l’ESSEC de Tunis.
C’est lui qui eu l’idée de cette fausse application, après avoir parlé à sa cousine :
»Elle n’était vraiment pas bien. Elle m’a raconté que quelqu’un l’avait suivi. C’est une histoire d’harcèlement qu’on pourrait qualifier d’ »habituelle » et que vit au quotidien plusieurs filles et femmes en Tunisie » a-t-il expliqué.
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Mehdi Cherif, étudiant en sciences sociales qui a aussi participé à cette campagne de sensibilisation pas comme les autres, est encore surpris par le succès de l’opération.
»En 24h, nous avons eu 300 000 vues et plus de 5000 partages. Ça a pris beaucoup plus d’ampleur que ce que l’on pouvait imaginer » a-t-il constaté.
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Les étudiants ont réussi leur coup : ouvrir et alimenter le débat autour du harcèlement sexuel en Tunisie.
Pourtant, la loi du pays, pionnière en Afrique du Nord et dans le monde arabe concernant les droits des femmes, condamne depuis 2017 le harcèlement sexuel à deux ans d’emprisonnement et cinq mille dinars d’amendes, soit plus d’un million de francs CFA.
Mais les victimes restent trop souvent silencieuses face a une société dans laquelle les mentalités évoluent lentement mais sûrement.
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