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Coupe du monde féminine : l’épicière devenue coach de l’Afrique du Sud

BBC Sport

Desiree Ellis au stade de la Princesse Magogo, près de Durban en Afrique du Sud (2 avril 2019) Copyright de l’image Getty Images
Image caption Desiree Ellis au stade de la Princesse Magogo, près de Durban en Afrique du Sud (2 avril 2019)

Desiree Ellis, 56 ans, est le coach de l’équipe féminine senior de football de l’Afrique du Sud qui joue la Coupe du monde pour la première fois.

Cette technicienne de football, membre de la direction technique de l’équipe sud-africaine depuis neuf ans, a connu la ségrégation raciale comme ses compatriotes de sa génération.

Née à Cape Town, Desiree Ellis a eu à faire face aux stéréotypes liés à l’apartheid, la domination des Noirs par la minorité blanche en Afrique du Sud, surtout lorsqu’elle entamait sa carrière de footballeuse.

« De petits boulots ici et là« 

Ellis a dit à la BBC qu’elle a déjà réalisé son rêve en conduisant l’Afrique du Sud à la phase finale de la Coupe du monde dames. Elle a commencé à jouer au football avec les garçons, à une époque où il n’existait pas d’équipe nationale féminine.

La sélection dames ne verra le jour qu’après la libération de Nelson Mandela au début des années 1990, qui marque officiellement la fin de l’apartheid.

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Image caption Desiree Ellis, adjointe de Vera Pauw, ici lors des Jeux olympiques de Rio en 2016, est la titulaire du poste depuis 2018.

Desiree Ellis a fait ses débuts en équipe nationale féminine en 1993. Elle avait 30 ans lorsqu’elle a été nommée vice-capitaine de la sélection, avant de porter le brassard quelques années plus tard.

A ses débuts, Ellis marque les esprits en inscrivant un triplé lors d’une large victoire de l’Afrique sur l’Eswatini (ex-Swaziland), 14-0.

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Mais en regagnant Johannesburg après ce match, elle arrive tardivement à son lieu de travail, à l’épicerie, à cause d’une panne du bus de l’équipe nationale. Elle est alors licenciée sans ménagement.

« Pendant trois ans, j’ai été au chômage, je ne faisais que de petits boulots ici et là. C’était dur, mais je vivais mon rêve. Je finis par trouver un nouvel emploi tout en jouant en équipe nationale jusqu’à l’âge de 39 ans. Je travaillais dans une épicerie », se souvient Ellis.

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Image caption Desiree Ellis en compagnie de son homologue française, Corinne Diacre

Éviter le chômage était un défi à relever la coach qui se battait en même temps contre les stéréotypes sexistes dans sa carrière de footballeuse.

« Je me souviens de mon premier vrai match. J’étais remplaçante. Mon père était le seul supporter autour du terrain. J’ai marqué l’unique but de la partie.

A l’époque, beaucoup de gens pensaient que ce n’était pas bien pour les filles de jouer au football », rappelle Desiree Ellis.

« Poitrine plate et cheveux courts« 

Noire et femme, elle avait le soutien de sa famille pour assouvir sa passion dans un sport dominé par les hommes et un pays où les Blancs décidaient de presque tout, y compris la constitution des équipes nationales:

« J’avais le soutien de mes parents, et c’était important pour moi. Beaucoup d’enfants n’ont pas ça. »

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A l’âge de 15 ans, la jeune footballeuse a dû se déshabiller devant ses coéquipières pour « prouver » qu’elle était une fille au talent incroyable.

« J’avais la poitrine plate et les cheveux courts. On m’a fait savoir qu’une fille ne pouvait pas jouer au football comme ça. Mon père m’a dit de baisser mon pantalon. Je l’ai fait et puis j’ai continué à jouer », rappelle Desiree Ellis.

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Image caption Desiree Ellis lors du match de l’Afrique du Sud contre l’Espagne, au Mondial dames 2019, samedi 8 juin, en France

L’apartheid a imprégné tous les secteurs d’activité en Afrique du Sud, de 1948 au début des années 1990. Les Noirs luttaient contre un système politique ségrégationniste, dominé par les Blancs.

La famille d’Ellis prend part à cette lutte menée sous la houlette de Nelson Mandela dont la libération, après 27 ans de prison, marquera la fin de l’apartheid.

Son père, omniprésent dans sa carrière de footballeuse, aiguise les appétits de la jeune fille pour le football.

« Par l’amour de notre patrie »

« Mon père croyait que je pouvais devenir ce que je désirais être. (…) Parfois, il y avait des endroits où on ne pouvait pas aller. Mais nous savions que le pays était en train de changer, et nous avons continué à pratiquer notre sport par l’amour de notre patrie », témoigne la dame de 56 ans, coach de la sélection sud-africaine depuis près de 10 ans.

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« Dans la vie de chaque individu, il y a des revers et des défis, mais c’est la façon dont on les affronte qui compte. Je n’ai jamais lâché. Je ne suis pas perfectionniste, mais je veux toujours faire de mon mieux », philosophe Ellis, soulignant que le football « a vraiment ouvert beaucoup de portes » à des gens comme elle.

En 2018, l’Afrique du Sud, 50ème au classement mondial de la Fifa, se classe deuxième à la Coupe d’Afrique des nations dames, devant le Nigeria, sept fois championne d’Afrique, sous la houlette de Desiree Ellis.

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Image caption Nelson Mandela (1918-2013) a eu une influence considérable sur le sport en Afrique du Sud, après sa libération en 1990.

Malgré sa défaite aux tirs au but en finale, les Sud-Africaines se qualifient pour la Coupe du monde. Ce jour-là est l’un des plus beaux de l’histoire de son équipe nationale féminine.

Ellis dira que dans ses « rêves les plus fous », elle ne voyait pas l’Afrique du Sud participer à la Coupe du monde:

« En tant que joueuse, je n’ai jamais eu cette occasion. (…) Personne ne nous donnait favori quand nous affrontions le Nigeria en Coupe d’Afrique. Nous étions (…) des outsiders. C’est notre première participation à la Coupe du monde… ».

« Si vous regardez les messages de soutien sur les médias sociaux, c’est incroyable », reconnaît-elle, ajoutant : « Même le président [sud-africain] nous a appelées lorsque nous étions au Ghana [en Coupe d’Afrique] afin de nous souhaiter bonne chance pour la finale », commente le coach de l’équipe sud-africaine.

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« Au Parlement, mon nom a été cité dans le discours du président. Cela montre comment le football évolue (…). Lentement mais sûrement, les choses vont changer. »

L’Afrique du Sud affrontera la Chine lors de son deuxième match du Mondial féminin, jeudi à Paris. Pour son premier match, elle s’est inclinée devant l’Espagne (1-3), samedi.

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