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Morsures de serpents, un fléau sous-estimé

Les morsures de serpent touchent principalement les personnes démunies vivant dans les régions les plus pauvres d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Copyright de l’image Getty Images
Image caption Les morsures de serpent touchent principalement les personnes démunies vivant dans les régions les plus pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.

Dans le monde, une personne meurt d’une morsure de serpent toutes les quatre minutes.

« La première fois, c’était assez terrifiant parce que je ne savais pas à quoi m’attendre. J’avais l’impression d’avoir eu la main frappée par un coup de marteau « , se souvient David Williams, expert en morsures de serpents à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a été mordu six fois par un serpent.

« Ma dernière morsure de serpent aurait été fatale si on n’avait pas eu une trousse médicale d’urgence » explique-t-il.

Le Dr Williams affirme que la plupart des victimes  » n’ont pas ce luxe qui sauve des vies « .

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La plus grande crise de santé cachée du monde

Le praticien parcourt le monde pour recueillir les venins de serpents afin d’aider à mettre au point de nouveaux traitements contre les morsures de serpents.

Selon l’OMS, les morsures de serpents sont « sans doute la plus grande crise de santé cachée du monde », avec une personne qui meurt d’une morsure toutes les quatre minutes.

Des centaines de milliers d’autres sont gravement défigurés et beaucoup ont besoin d’être amputés.

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Image caption Le docteur David Williams parcourt le monde pour recueillir les venins de serpents afin d’aider à mettre au point de nouveaux traitements.

Les morsures de serpent touchent principalement les personnes démunies vivant dans les régions les plus pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Les agriculteurs risquent leur vie tous les jours dans leurs champs. C’est là où les serpents venimeux se cachent. Les enfants sont aussi de potentielles victimes.

C’est pourquoi deux grandes institutions de santé, comme l’OMS et le Wellcome Trust du Royaume-Uni, prennent actuellement des mesures pour lutter contre les morsures de serpents.

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« Nous sommes à un tournant décisif dans la lutte contre les morsures de serpents pour les personnes les plus pauvres du monde, » d’après le Dr Williams.

« Beaucoup vivent déjà dans la pauvreté et les conséquences d’une morsure de serpent sont qu’elles deviennent encore plus endettées et désespérées, même si elles survivent « .

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Image caption Les morsures venimeuses peuvent causer une paralysie, une insuffisance rénale ou hépatique, un saignement mortel ou une amputation.

Les morsures de serpent en chiffres

  • Il y a près de 2,7 millions de cas d’ « envenimation » de serpents chaque année (empoisonnement via venin pénétrant dans le sang par une morsure ou par projection dans les yeux);
  • Entre 81 000 et 138 000 personnes meurent chaque année;
  • Environ 400 000 personnes souffriront d’une invalidité permanente;
  • Les morsures venimeuses peuvent causer une paralysie, une insuffisance rénale ou hépatique, un saignement mortel ou une amputation.

Source : OMS

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Image caption Au Kenya, Jackson Chepkui, 39 ans, est le père d’une fillette qui a perdu partiellement l’usage de son corps à cause d’une morsure de serpent.

La morsure de serpent, bien que potentiellement mortelle, est traitable. Mike Turner, directeur de la recherche scientifique de Wellcome, confirme : « avec un accès à un anti-venin adéquat, les chances de survie sont élevées ».

« Même si les gens seront toujours mordus par des serpents venimeux, pour autant il n’y a aucune raison que tant de gens meurent » s’indigne-t-il.

Le Dr Philip Price, responsable scientifique des morsures de serpents au Wellcome Trust, affirme qu’il y a une « spirale du déclin » lorsqu’il s’agit de traiter les morsures de serpents.

« Les traitements sont chers, les personnes qui en ont besoin n’ont souvent pas les moyens et dans certains cas, certaines ne peuvent pas se rendre à l’hôpital à temps « .

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Le Dr Price ajoute que même lorsque les personnes arrivent à l’hôpital, il est courant que les médecins ne soient pas suffisamment formés et que les traitements ne soient pas disponibles.

Il explique aussi que des patients peuvent se tourner vers les guérisseurs traditionnels, ce qui signifie que ceux-là « échappent au radar ». C’est pourquoi, « la plupart des pays ne sont même pas conscients qu’ils ont un problème de morsure de serpent ».

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Comment traite-t-on les morsures de serpent ?

Le traitement anti-venin n’a pas changé depuis plus de 100 ans. Ce processus coûteux et laborieux consiste à prélever des anticorps à partir du sang de cheval pour fabriquer des anticorps anti-venin.

Mais même ainsi, il est estimé que dans le monde, on ne produit qu’un tiers de l’anti-venin dont nous avons besoin.

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Image caption Il est estimé que dans le monde, on ne produit qu’un tiers de l’anti-venin dont nous avons besoin.

Les chevaux reçoivent de très faibles doses de venin de serpent sur de longues périodes dans le temps, afin de ne pas nuire à l’animal, selon le Dr Price.

« Puis le sang est prélevé sur le cheval et les anticorps sont purifiés. Les anticorps contenus dans ce sang se lient et neutralisent ensuite le venin ».

« Ce n’est pas sans risque de l’injecter directement au patient  » avertit le médecin.

Ces risques signifient que les victimes doivent être soignées à l’hôpital mais la plupart d’entres elles peuvent prendre des heures, voire des jours, pour se rendre à destination. Il est alors souvent trop tard pour sauver des vies et des membres.

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Un autre défi majeur est que beaucoup d’anti-venins disponibles ne sont pas réellement efficaces. Différents types de morsures de serpents nécessitent différents types d’anti-venin.

Par exemple, en Afrique, on estime que jusqu’à 90 % des anti-venins disponibles sont inefficaces.

Actuellement, il n’existe aucune liste officielle au niveau internationale répertoriant tous les anti-venins disponibles et ceux qui sont utilisés.

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Image caption En Afrique, on estime que jusqu’à 90 % des anti-venins disponibles sont inefficaces.

Ce n’est pas sorcier

Malgré les défis, atteindre l’objectif de l’OMS, celui de réduire de moitié le nombre de décès et de handicaps causés par les morsures de serpents au cours de la prochaine décennie n’est « pas si difficile », selon le Dr Williams.

Ce dernier a passé pendant dix ans à améliorer les traitements contre les morsures de serpents mais aussi à encourager la prévention, en particulier en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

« En 2003, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un enfant sur quatre mordu par un serpent trouvait la mort. Aujourd’hui, c’est moins d’un sur 50  » affirme-t-il avec fierté.

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Image caption Selon le Dr Williams, bien que le nombre de décès reste encore élevé, y remédier  » n’est pas sorcier ».

Selon le Dr Williams, bien que le nombre de décès reste encore élevé, y remédier  » n’est pas sorcier ».

« Il faut avoir des anti-venins sûrs et efficaces, des agents de santé formés, des communautés qui s’occupent du problème, à qui l’on enseigne comment mieux prévenir les morsures de serpents et quoi faire quand quelqu’un est mordu » estime-t-il.

Le médecin espère que les projecteurs seront enfin braqués sur le problème sanitaire que constitue les morsures de serpents.

L’OMS annoncera sa stratégie visant à réduire les décès et les handicaps causés par les morsures de serpents dans le courant du mois lors de l’Assemblée mondiale de la santé à Genève.

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